Le jour avait été tel
et la lumière celle que l'on sait
tous les phares étaient occupés
justement, et dans l'intégrité cruelle :
l'un avait roucoulé sur le matin
que tissaient les hirondelles
vers midi le cavalier noir revenu,
déchira le jour, et la nuit
de tous ses bras reprit le ciel,
et le soleil fut mangé par la lune :
c'était l'ordre d'une vraie nuit à chouettes,
mais les étoiles ne lisaient pas leur rôle.
C'est pourquoi, dans le minuit légitime,
qui sur une échasse se tient entre le jour et le jour,
le soleil reprit sa course entravée à midi.
Cela, oui, cela je sus pourquoi
ce soleil, ce soleil d'ardente brûlure
qui venait monstrueusement tanner mes insomnies,
pourquoi ce soleil inlassable dans maintes années
illuminait un jour qui était la nuit
car il fallait me montrer toutes mes comètes noires
éclairer par le bas mes souvenirs de sang
traverser les linceuls huilés de larmes
dévoiler avec son feu d'or lourd,
les routes désertes de mes chutes,
fixer pour humilier l'homme
la trace des paraboles infinies
de mes souffrances de maudit.
Et que l'on vît les poings grotesques
de la légalité, de la science et de la morale
porter vers moi leurs torchons sales
et le fiel rouge qu'ils vomissent.
Sous ce feu de minuit
un homme rêve, une femme hurle
c'est le sommeil de la terre,
sous ce feu de la terre
le poing des normes enfonce le torchon
dans mes côtes, et le poing
est une tête qui crache le rire de leur ennui
Je connais la tête pour avoir connu les hommes.
Mais le torchon lime avec ses plis
le vase épuisé de mon âme,
il vire, racle mon cœur, en soutire
l'ultime mal qui tue.
Et quand le drap cassé durement
est imbibé de ma douleur
je l'arrache et l'étalé
sous la nuit ensoleillée.
Je vois :
on ne peut t'aimer,
dit le torchon rouge
qui brille ainsi,
en vérité.
Juillet 1936
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012