Poèmes

Le Détournement de la Croix

par Jean de Bosschère

Je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels et qu'ils ne soient jamais plus signes de chanson.
Nous taillerons avec un silex sans empreintes, sans âge terrestre, d'avant les éclosions des familles de dieux et des semailles sourcilleuses.

La croix antique sera abolie de nos mémoires recloses ;

chacune méditera, temple sans accordailles avec la cendre.

Le geste crucifié, plus bafoué par des apôtres,

sera rendu à son terme terminé, enfin stable :

la croix terminale, visage peint sur la dernière porte,

issue de l'implacable pèlerinage dans les ronces des deux.

Des signes fulminants sans voix,

comme une cantate dont ne se voient que les mesures,

exposeront le vol et la conjuration contre la croix

et comment un bras pressé l'arracha des paysages,

la croix aux confins qui n'était point défendue,

arrachée du sommet de la pénultième route

et toutes les pistes se brouillèrent.

Mais du silex deux traits après tous les dieux,

je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels.

Et chacun dans son cœur célibataire comprendra

l'exil de la croix dans les mers fermentées.

Et chacun, solitaire, secrètement la replantera à la fin,

là-bas, seule déchargée et légère dans l'abîme de l'entonnoir

Seul,

comme celui à qui je balbutie

quand j'écris ces vers barbares, manchots.

Celui qui connaît le masque

et sait où sont les stigmates,

pas ceux d'un incarné passager

mais les plaies prophétiques du signe qui termine

mais les miennes et les vôtres, plaies vénérées

qui bouillent et crient sous les caillots

deux traits du silex après tous les dieux,

je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels.

Seul

il sait qu'entre l'Amérique et les
Karpathes,

je porte ma tête dans un globe de verre

et que seulement du globe je soulève le voile

aux départs sur les routes immaculées de la mort,

loin des derniers blottissements dans les marécages fertiles.

Le silex d'univers hors des temps et des espaces

gravera sans mots sonnants le signe,

restituera pour finir la croix au bout de la route,

passés dûment les aiguilles toutes et le dernier carrefour.

En attendant, seul, trébuchant dans la beauté des mensonges,

il faudra gagner un sursis, acheter des jours

comme je jetterai un an bibelot dans les crocs du caïman,

plein des glues et des levains.

Je veux de vérité des mots jouvenceaux éternels.

Seul

Mais, capturé après le voyage ténébreux,

plusieurs mains rejoindront l'ultime serrure,

et, compagnon des géants exotiques au temps,

nous retournerons,

attendant, assis ensemble sur le fumier d'or,

le front levé, offert enfin, déjà lumineux

dans les flocons d'ivresse de la croix véritable,

dans la vision, à la fin du combat,

de la restitution que tu sais

seul,

et plusieurs mains tendues.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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