Essence aveugle sourde muette
Pensée qui prend lieu dans ma substance
— dont l'existence est dans le vaisseau
bâti de la persévérance à travers les époques de la terre comprises dans l'éternel
— que j'accueille dans mes bras
et dans l'esprit qui en moi féconde l'entente
— pour qui dès l'âge
où nous étions baves mêlées à l'océan j'ai maintenu ouvertes les portes afin que nulle portion du havre jamais ne lui fût interdite
— qui ignore les temples cabanons d'argile terrestre les coquilles à cénobites
et les commis aux confessions les savants aux fétiches et totems et aux signes immobiles les manchots, bigles pieds-bots des chapelles borgnes
— dont je suis à travers les cycles ordonnés dans l'éternité
dont je suis la nourrice
la nourrice qui la nourrit de son lait
le gardien sans armes
le chanteur orgueilleux
— dont l'Homme splendide
enchaîné dans les sectes à pennons
et les dimensions éphémères
dont l'Homme croissant
malgré les proscriptions
dont l'Homme resplendissant
malgré les clans et les patries
les mensonges et les familles
dont l'Homme resplendissant
utilise chaque saison des âges
quelques gorgées de plus
de sa puissance efficace
et lui cède chaque saison des âges
quelques acres de plus
de son immensité originelle
— dont on a voulu souiller la vertigineuse aristocratie
et l'existence suprême dans le choix
et l'exigence dans la stratification des valeurs
— qui n'est pas ici si je l'oublie dont la tragédie serait mon oubli et qui ne me voit pas
et pourtant je me veux nourrir de ce qui ne me voit pas
— ce que j'élève comme un enfant antique suspendu dans l'insensible sur l'abîme de nos abandons et de nos désordres
C'est l'Amour qui conduit
le déblaiement pour sa croissance
au prix de l'obscure et solitaire chair humaine
— qui termine l'effroyable polarisation
de l'esprit dans les temps
de terres et de controverses
— qui termine
par la chasteté ou le suicide
l'effroyable stagnation
dans les impasses des fantômes
Son
Orgueil l'Honneur qu'il est n'est pas plus contenant tout les deux et les abîmes pensés les gloires et les épopées n'est pas plus enveloppant saturant et imprégnant que
le mien sûr et forcené que mon
Amour orgueilleux
Et là -bas, dans les terres
on arracha l'orgueil à l'Homme
à l'Homme qui naissait
resplendissant
qui naissait à l'honneur
et même la pauvreté et l'espoir
furent niés à leur source
par un dam
Et si tu veux être tout
orgueil ineffable secret et sans gage
ni vanité mercenaire
et si tu refuses d'être
un spectacle moral
ou louange édifiante
si je vois les confusions opportunes
la veule admission des faits
je dresse l'orgueil
contre les consentements charitables
de la raison aux rotations
éternelles de la chair
et de la peur
Et puis face à face
quand l'Amour atteint au zénith
l'Homme est
Splendeur
Nous sommes l'enfant éternel
de notre
Amour
nourri de l'Essence intelligente
dans l'Homme
resplendissant
Juillet 1946
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012