Le Dernier, Jean de Bosschère
Poèmes

Le Dernier

par Jean de Bosschère

Essence aveugle sourde muette

Pensée qui prend lieu dans ma substance

— dont l'existence est dans le vaisseau

bâti de la persévérance à travers les époques de la terre comprises dans l'éternel

— que j'accueille dans mes bras

et dans l'esprit qui en moi féconde l'entente

— pour qui dès l'âge

où nous étions baves mêlées à l'océan j'ai maintenu ouvertes les portes afin que nulle portion du havre jamais ne lui fût interdite

— qui ignore les temples cabanons d'argile terrestre les coquilles à cénobites

et les commis aux confessions les savants aux fétiches et totems et aux signes immobiles les manchots, bigles pieds-bots des chapelles borgnes

— dont je suis à travers les cycles ordonnés dans l'éternité

dont je suis la nourrice

la nourrice qui la nourrit de son lait

le gardien sans armes

le chanteur orgueilleux

— dont l'Homme splendide

enchaîné dans les sectes à pennons

et les dimensions éphémères

dont l'Homme croissant

malgré les proscriptions

dont l'Homme resplendissant

malgré les clans et les patries

les mensonges et les familles

dont l'Homme resplendissant

utilise chaque saison des âges

quelques gorgées de plus

de sa puissance efficace

et lui cède chaque saison des âges

quelques acres de plus

de son immensité originelle

— dont on a voulu souiller la vertigineuse aristocratie

et l'existence suprême dans le choix

et l'exigence dans la stratification des valeurs

— qui n'est pas ici si je l'oublie dont la tragédie serait mon oubli et qui ne me voit pas

et pourtant je me veux nourrir de ce qui ne me voit pas

— ce que j'élève comme un enfant antique suspendu dans l'insensible sur l'abîme de nos abandons et de nos désordres

C'est l'Amour qui conduit

le déblaiement pour sa croissance

au prix de l'obscure et solitaire chair humaine

— qui termine l'effroyable polarisation

de l'esprit dans les temps

de terres et de controverses

— qui termine

par la chasteté ou le suicide

l'effroyable stagnation

dans les impasses des fantômes

Son
Orgueil l'Honneur qu'il est n'est pas plus contenant tout les deux et les abîmes pensés les gloires et les épopées n'est pas plus enveloppant saturant et imprégnant que
le mien sûr et forcené que mon
Amour orgueilleux

Et là-bas, dans les terres

on arracha l'orgueil à l'Homme

à l'Homme qui naissait

resplendissant

qui naissait à l'honneur

et même la pauvreté et l'espoir

furent niés à leur source

par un dam

Et si tu veux être tout

orgueil ineffable secret et sans gage

ni vanité mercenaire

et si tu refuses d'être

un spectacle moral

ou louange édifiante

si je vois les confusions opportunes

la veule admission des faits

je dresse l'orgueil

contre les consentements charitables

de la raison aux rotations

éternelles de la chair

et de la peur

Et puis face à face

quand l'Amour atteint au zénith

l'Homme est
Splendeur

Nous sommes l'enfant éternel

de notre
Amour

nourri de l'Essence intelligente

dans l'Homme

resplendissant

Juillet 1946



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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