Souvent quand il éclôt du songe et du sommeil
dans sa cellule amène et charitable
avec sur la chaux blanche ce crucifix
qui nous connaît, ce crucifix parlant
ce signe promoteur inlassable
souvent quand il s'éveille sous les étoiles
Voici d'abord l'aube pour le poète épanouie l'esprit de grâce parfumée qui sait la fleur chérie des accomplissements d'hier la fleur trempée dans l'estragon de la
joie les corolles de gratitude maculées de bonheur
Or, le poète ne s'affronte pas encore
Du linteau de sa nuit brisée de poursuites
il se relève avec la noble phalange
des fruits vendangés dans la nuit
J'ai dit que d'abord il y a les fleurs d'hier
Mais ensuite il rougit, visage rose de confusion
il est dévêtu, anéanti, dans l'innocence
le poème viole son âme
et lui rend la dépouille de son être
soustrait dans un somptueux rapt nocturne
L'inspiration a pris son sang et son espace il rougit et se récuse devant l'ineffable délice c'est un humble mort que laisse au réveil le poème tout dévorant qui
s'enlace aux treilles la grâce de l'harmonie qui descend des planètes le poème impérieux qui abolit les abîmes se lève dans l'aurore de ce jour sacré
Puis après l'éclosion et la mort
à l'issue du songe et du sommeil
qui passera le premier sous la voûte
qui sera le plus fort à l'aurore
ou le petit mignon élu ce jour-ci
ou le poème qui de lui-même a dépouillé l'élu
Souvent il s'éveille dans les délices les foudres de voir et d'entendre le possédé dépouillé ordonne alors l'extraction douloureuse du miraculeux puisque
l'œuf fécondé dans la nuit fut déposé dans son sein qui triomphera
Et jamais plus insondable gratitude jamais plus de flamme ne brûlent dans l'oraison de sa gratitude confondu, tremblant et tout empêché de la gloire inconnue d'avoir
été le choisi de ce jour illuminé éclos du sang et du sommeil
D'être requis dans son sang
il frémit et exulte, couronne des couronnes
la pensée de mélodie envahit l'univers
le poète a lieu dans le même bûcher que le poème
Et quand il entre dans l'œuf igné
maison des serpents et colombes de la poésie
il ramasse les mots ouvrés, justes
que charrie le flot de l'inspiration
comme un étranger fait le larcin
d'un trésor surgi d'une terre interdite
comme une jeune fille du faîte de ses pensées
regarde en plein zénith de midi les fantômes de sa confiance
Le poème est vaincu, lié de mots
cloué comme un tiercelet témoin
sur la porte ensoleillée de la grange
Il accueille la gloire dans le filet des images
congres, requins et gymnotes électriques
et l'albatros maître de poésie
Dix heures fait tourner lentement
une page du livre des jours
le destin du poème est gravé pour les temps
et marqué d'une larme de sang, sceau indélébile
esclave, sang ténébreux aux roues de l'âme
Le poète quitte comme un voleur
qui a ramassé une bourse ou un baiser
pas à pas avec une onctueuse prudence
il emporte soucieux et plein de soins
cette urne prêtée, comblée de dons
où immergent les œufs et les germes
les embryons et les adultes
de l'aventure éclose du songe et du sommeil
Du poète a surgi la spirale du poème qui n'est à personne ni sa propriété qui envahit son ciel et ses sites et n'est plus que sa chair dévorée
De nouvelles ondes d'ivresse se refusent comme un hérisson s'arc-boute en veto les dernières abeilles du poème nocturne retombent dans le miel du bonheur
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012