Jeûne, oscillations d'ébène et d'or
vois ici les syncopes de sable brûlant
et au verso la sphère des illuminations
l'aube et la diane du matin
et le soir le de profundis de velours noir
oscillation entre l'aube et le crépuscule
et sonne alors pour les élus préposés aux flambeaux
aux lyres qui précèdent l'avènement des visions
Et sonne alors
Pontchicala !
Baramoutraba et
Baramoutrabi
vous n'entendez rien, ni moi
je ne comprendrai plus demain
car l'appel éveille quelqu'un
que je ne connaîtrai plus demain
Renaître avec toutes les aubes
inconnu candide sans passé
Chaque fois que tu répétés un
Christ, un démon
un temps, un blasphème, une mimique
tu balafres ton ange d'ignorance propice
Mais n'ignores pas une rencontre d'inconnues
une inopinée germination privée d'ancêtres
Pontchicala !
Baramoutraba !
c'est les propositions de mon alarme
qui ont soulevé mon cheval barbare
toujours en aval, traceur de pistes neuves
renâclant aux venelles et aux communs sillages
Il ne te suffit pas d'être dépouillé
une main tendue t'arracherait à tes abandons
il faut que tu connaisses la mort de l'exilé
et sois prêt à l'ineffable décision
de te renier
Je dirai d'abord mes ablations et mon jeûne tu éviteras à ta pensée une voie parallèle connaissant les traces de mon itinéraire tu sauras ne pas seulement suivre
mon dessein celui du proscrit âgé de sept fois dix années
Le jeûne c'est mon épreuve de nuit lumineuse la solitude ne doit pas me dessiller pendant que la nuit m'allaite d'amertume que le serpent du jeûne aux lèvres pourpres fait
son repas de mes entrailles glacées
Pendant le jeûne confondu dans la lumière je prends les causes de l'innocence condamnée des embryons que châtrent les damnations
Vous avez compris que j'interdis les envahissements
brise le col aux méditations
m'évertue comme
Hercule
comme un maître de balistique et de pneumatique
je surveille comme un molosse de garde
l'huis de pénétration de ma cervelle
C'est le combat qui dans l'abstinence consume les questions
la continence qui intercepte tous les problèmes
et ce remous en révolte est l'huile bouillante
de mon vaste chaudron de jeûneur
et dans cette ébulition naît et croît
de ma torture la sérénité
Dans ce miel poivré de la suavité
ce n'est pas intégralement ni chastement jeûner
ni de parois opaques dissimuler aux jaloux
tout mon vide sidéral
et tout mon corps tendu dans la science du mort
c'est le jeûne blanc de glace bleue
puis invisible, sans traits ni couleurs.
Résorber les torrents de pensées
confondre les plages où je danse
sur la corde folle de la faim
corde folle du vertige de la faim
où sans voix je chante absence
sous mon crâne délirant brodé de lucioles
Mais je ne prends aucune licence
pendant que passe dans mes entrailles
les vertèbres interminables de l'iguanodon
dans la faim géologique immémorable
je ne m'arroge aucun privilège ni fief
et je porte ma charge comme le maçon et le tisserand
Or, le jeûne provoque des ennemis oisifs et dilettantes
Qui oserait attaquer
Qui oserait pourtant attaquer d'un rire ce fuseau d'os
cet anachorète, ce joaillier de la maigreur
ce sybarite muet des continences
Donc après les combats notoires
c'est la visite au jeûneur dans les voiles du coma
des peaux douces, des souvenirs et tentations
qui se cachent sous leur peau de sévérité
le goût capillaire de la sève d'abricot
toute une
Grèce d'hydromel
le parfum de la clématite blanche
suicide dans les bras
et le parfum de la clématite blanche
Puis toute la propriété propre de l'univers globe entre la bûche vespérale de la solitude et la lampe qui élève la forteresse d'un cône d'or
Mon jeûne brave encore les phares et toute la floriculture du coucher du soleil qui me cherche dans les langes de mes syncopes
Ai-je dit le plus insidieux des adversaires ?
sans évoquer les plus mièvres, les personnages postés
sur une route de siècles
fossiles, hommes, protozoaires, phalènes
ni mon avide ambition
de suivre les évolutions toxiques de ma faim
C'est le
Tentateur vorace qui connaît les voies
enfant des hommes et luxe de leurs paniques
Le plus insidieux me tend une main
que n'ont pas les autres princes
et vous devinez qu'il m'invite à la sombre descente
la descente dans l'authentique ivresse des ténèbres
à une descente d'affamés aux enfers
là où tout bien est explicitement compté
il y a des paroles, des musiques, des insignes
grandis dans les flammes
et de cela aussi il faut jeûner
Mais que la famine, enfantement de morts arrache à mon jeûne son nimbe je palpiterai encore sur le
Rien
Hautes raisons d'airains et de rocs
qui lentement instaurent mon dieu
dans le mépris des proverbes d'hommes
dogmes et doctrines refusés
pendant que dans la fosse gigantesque du ventre
s'épurent les vérités
par les jeûnes illuminants
8 janvier 1949
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012