Nous nous sommes encore enveloppés des brumes
Dont se voile éternellement le port désert.
Et comme au temps de notre enfance, nous voulûmes.
Pendant toute la nuit, rester les yeux ouverts.
Ah ! que se soit la même angoisse qui nous prenne
En écoutant pleurer, dans les brumes du port.
Les appels prolongés et tristes des sirènes.
Qui nous faisaient rêver, jadis, d'étranges morts,
D'océans refermés sur d'immenses naufrages.
Demain, parmi les tas de caisses, les ballots.
Nous irons sur le port rêver de grands voyages
Et mêler notre rêve à ceux des matelots —
Comme aux après-midi gris et froids de dimanche
Où nous allions en promenade, deux à deux.
On avait déserté le port silencieux
Et les hommes avaient cargué les voiles blanches.
Quittant le fleuve lourd et les quais embrumés
Pour la ville, où les magasins étaient fermés.
Et nous seuls, sur le port, allions en longue file.
Collégiens pensifs, aux songes imprécis,
Et le jour se mourait sur l'ennui de la ville
Dont l'immense lueur faisait un ciel roussi...
En les momes retours d'anciennes promenades.
Un départ étemel endeuillait cette rade.
Des musiques jouaient, aux soirs pesants de fête... —
Je vous rends grâce, ô port tranquille, ô fleuve jaune,
O ma ville immuable et douce, pour l'aumône
De souvenirs, de visions que vous me faites,
Pour l'écho revivant de mes pas attardés.
Pour mes songes d'enfant que vous avez gardés.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012