Tu n'useras que de mots simples pour dire
La beauté des pommes rouges sur l'assiette d'étain.
Dehors le lourd soleil d'automne pavoise
Au-dessus de la treille aux grappes noires.
Tu voudrais écrire le poème de l'Un; était-ce plus facile
Aux premiers temps, lorsque l'on moissonnait à la faucille,
Encouragé par le chant des amoureuses;
Lorsque la voix aveugle et rauque de
Thamyris
Traçait, sur la coupe du soir, l'argile aux boucles rondes
De sa lyre?
A quoi bon regretter les jours tutélaires,
La beauté que contemple l'œil pers des statues,
Le bronze qui surgit au flanc du crépuscule, sur le créneau de
l'arbre
Et l'odeur d'ammoniaque d'un cheval rose, enseignant à l'aède
Le rythme des saisons, l'hexamètre des vagues qui se brisent
En cadence.
Une moindre ferveur nous a valu d'abandonner
Parmi les ruines, les pommes d'or; oublier la toison
Dans le grand incendie qui dissipa les livres;
Le rire de
Démodocos et les ruses d'Ulysse.
Mais, tandis qu'hésite la dernière abeille
Contre le bois de la fenêtre, et puisqu'il se fait tard,
Nous nous interrogeons : le bonheur
Est-il mêlé d'amertume?
Nos plaintes
Ne seront d'aucune aide.
Contente-toi, ce soir,
Si ton savoir est si modeste,
De regarder
Sur l'assiette d'étain, le dernier rayon d'or
Qui fait chanter le flanc des pommes rouges;
Alors tu trouveras peut-être le secret
Peur pénétrer dans le jardin de l'être
À la faveur du soir.
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012