Nous renoncerons à te voir, Ènée; aux splendeurs
De l'automne, au feuillage éternel de l'arbre d'or
D'où tombe le rameau pour des mains bienheureuses.
Tu
chemines
Sur la pente insensible grevée de fumées noires : la cité sale
Fume, ébruite dans l'air marin le trésor de ses mots
En propos inutiles, détruit les mélodies, refuse
D'admirer le ciel paisible qui la traverse,
La paix qui loge au-dessus des toitures, le silence
Que les arbres conservent jalousement.
Au petit jour
Les oiseaux qui ont connu le monde des genèses
Bien avant que nos pas maladroits en défoncent
La terre immaculée, les neiges et les bois, couvrent
La partition de l'invisible nue de leurs chants réguliers :
Ovide les connut en son lointain exil, et
Virgile
Enseignait au
Dante, en lui montrant du doigt sur l'arbre
Un rossignol, la grâce inépuisable du poème.
Peut-être en notre solitude au-dessus des toits gris,
Avons-nous oublié le vieux savoir, l'art
D'entendre les voix à peine audibles des sources
Qui parcourent la nuit de l'être en quête de mots simples,
De rythme.
Et nous nous enivrons d'images, nous lacérons
Les lignes pures d'un visage incompris, tandis que
Sur la terrasse couverte d'herbe, la pie
Joyeusement sautille; deux pigeons à la robe laiteuse,
Se dandinent sur l'angle allègre du toit, près de l'antenne.
Alors, dans la lointaine déchirure, un peu du bleu si pâle
De l'hiver, dégrafe le rideau qui cache le ciel.
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012