à la mémoire du peintre espagnol
Modesto
Cadenas, fusillé
À vivre leur ombre et leur soleil
Tes hommes sont là,
Aux visages purs
Comme si toute chose les baignait
D'une eau plus vive que le vent
Sans sourire, sans un mouvement des lèvres,
Justes dans la chair de leur pensée,
Dans leur chair,
Ils sont là, penchés entre la moisson et la tendresse,
Leurs bras à peine levés,
Entre leur femme et la mer.
Je sens leur force attentive
Caressée d'enfants, d'amour, et portée de souvenirs.
Tous ces paysages de la campagne,
De la maternité,
Toutes les couleurs où se crée la nuit
Fraternelle,
Et la nuit de toute étreinte.
Tous ces paysages sont là
Comme autant de naissances perdues.
Ton cœur n'est plus pour les pousser vers la vie
Actes éblouis avant l'élan,
Chemins devinés suivis sous les herbes ;
Il n'est plus d'herbe ni de chemin,
Plus de joie pour t'y faire rouler
Nu, et battant l'air de tes mains ouvertes,
Plus de mains pour lancer les lumières
Que charriait ton sang,
Plus de sang.
Il t'a fui par le grand cri
Rouge
De tes os de tes muscles de ton sexe, de ta voix et de tes
yeux,
De tes oreilles,
De ton amour,
De ta fatigue aussi où s'étaient perdues haine et peur,
De ton cœur.
Terres d'Espagne sont là-bas autour de ta mort À vivre leur ombre et leur soleil, À mourir de tous leurs hommes.
Mais tu as sauvé ces plages
Chaudes, et rondes comme un chant.
Avec leur plus légère présence
D'événements :
Une femme, une femme qui dit adieu,
L'enfant pâle,
Et tous les hommes,
Tous leurs visages, graves,
D'où se délivre ton visage.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012