à
Raymond
Queneau
I
D'atroces feux de
Saint-Jean
Déchirèrent les villages.
Pas de vin mais du sang
Pas d'herbe mais des corps
Pas de blé mais la mort.
II
La ville courait en flammes.
À travers ses rêves et sa chair
Des femmes de pierre, nues, tombaient
En flèche jusqu'à la tombe.
Le cri de l'ombre tremblait.
III
Les seins devraient voler
Aux amours buissonnières...
Mais qui ose encore
S'attarder aux prairies ?
L'or et les morts
Poussent le monde.
IV
Un jeune hiver se levait sur
Paris
Adolescent de rire dur qui brille,
Les filles frileuses de l'air doré
Se faisaient des forêts une fourrure,
La ville ressemblait à la vie
Lorsque de sa malingre misère
Ressurgit on ne sait quelle gloire.
Et nos pleurs se firent larmes d'orgueil.
Frère fuyez entre les murs millénaires.
L'incendie aux abois se couche à ton ombre,
Frère à grands gestes fous sur la terre, la tête à demi
happée par la mort.
Et partout ces foules océanes lancées à ta poursuite.
Nous étions les camarades des forêts pourtant,
Notre savoir ne reniait nulle nervure de l'herbe de la
bête ou de l'âme
Aucune fidélité nous ne l'aurions méconnue
Et notre tâche aurait l'odeur de la terre l'été.
Nous caressions l'air en nous pour autre chose
Oui pour un autre air que rengaine de mort,
Autre chose en nous se cherchait, s'édifiait,
Autre chose que ces marais où nous voici réduits.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012