L'enfance aux bruyères,
Ta jeunesse fière,
Tout ce que tu fus,
Tout ce qui n'est plus
S'inscrit en abîme.
La frêle fiancée,
La rose épousée,
La boue de la guerre,
L'horizon du père.
Guerrier de pierre,
Effigie sévère,
Où va cet amour
Au moment de mort ?
Chair n'est plus que fer
À ficher en terre
Qui le dissoudra
Sous bois et sous draps.
O tragique masque.
Déborde la vasque
Du temps où la vie
Soudain nous trahit.
Mais où va l'amour
Dont tu fus la tour ?
Son feu nous lacère,
Brûlure de l'absence,
Enfer du non-sens.
Guerrier bien aimant
Lequel des deux ment : Âme et cœur sans mort
Ou cendre du corps ?
Je suis hanté par un homme qui meurt
Il me suit, il m'attend, me supplie et me perd.
Un masque emprisonne son visage et sa voix.
C'est mon père et mon frère
(Ou peut-être moi-même),
Son front contre mon front,
Son cœur contre mon cœur
(Nos souffles enlacés voudraient chasser la peur).
Enfant qui viens de l'ombre et retombes à la nuit,
Tes yeux ne me voient pas, les mots ont disparu.
Qui suis-je dans ton regard ?
Vers qui s'en va ton cri ?
La vie entre nous deux agrippés, emmêlés,
Se fend jusqu'à l'abîme
Où nous allons tomber l'un à l'autre enchaînés
(Oh ! terrible douceur de l'amour qu'on arrache).
Avec l'adieu du sang, l'adieu du souvenir :
Harassante nuée d'éclairs et de ténèbres,
De travaux et d'alarmes, de démence et de joies,
Trame serrée, immense, et dérisoire.
Et chaleureuse, oui, même en ses hivers, même en ses
déchirures.
Mais soudain l'ultime maille où se défait la chaîne !
Le monde, le monde et ce qui le résume :
Quelques noms, quelques yeux, la passion qui les lie.
Comme une goutte d'eau, comme une maigre larme
S'échappant de la main.
Ô toi qui te dresses, toi qui implores, toi qui tombes.
Je n'en finirai plus, je le sais, jusqu'à la fin.
Jusqu'à ma mort, de mourir avec toi.
Amis le soir au bord des villages.
Voix d'ombre dormeuse
Ou cascade solaire.
C'est toujours avec vous une longue jeunesse
Malgré les deuils, malgré la vie.
Au cœur de vos paroles
Le monde reste clairière,
Saison promise
Au fil du silence.
Mes amis de campagne.
C'est toujours juin pour notre souvenir,
Les chemins d'herbe et de jacinthes,
Les foins qu'on fane dans l'odeur de la joie,
La rue devient forêt, devient rivière,
Les hommes sur leur poussière
Sont dignes de l'amour,
Mes amis au soir de la longue journée.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012