Poèmes

Pierre

par Georges Emmanuel Clancier

L'enfance aux bruyères,
Ta jeunesse fière,
Tout ce que tu fus,
Tout ce qui n'est plus
S'inscrit en abîme.
La frêle fiancée,
La rose épousée,
La boue de la guerre,
L'horizon du père.
Guerrier de pierre,
Effigie sévère,
Où va cet amour

Au moment de mort ?

Chair n'est plus que fer

À ficher en terre

Qui le dissoudra

Sous bois et sous draps.

O tragique masque.

Déborde la vasque

Du temps où la vie

Soudain nous trahit.

Mais où va l'amour

Dont tu fus la tour ?

Son feu nous lacère,

Brûlure de l'absence,
Enfer du non-sens.
Guerrier bien aimant
Lequel des deux ment : Âme et cœur sans mort
Ou cendre du corps ?

Je suis hanté par un homme qui meurt

Il me suit, il m'attend, me supplie et me perd.

Un masque emprisonne son visage et sa voix.

C'est mon père et mon frère

(Ou peut-être moi-même),

Son front contre mon front,

Son cœur contre mon cœur

(Nos souffles enlacés voudraient chasser la peur).

Enfant qui viens de l'ombre et retombes à la nuit,

Tes yeux ne me voient pas, les mots ont disparu.

Qui suis-je dans ton regard ?
Vers qui s'en va ton cri ?

La vie entre nous deux agrippés, emmêlés,

Se fend jusqu'à l'abîme

Où nous allons tomber l'un à l'autre enchaînés

(Oh ! terrible douceur de l'amour qu'on arrache).

Avec l'adieu du sang, l'adieu du souvenir :

Harassante nuée d'éclairs et de ténèbres,

De travaux et d'alarmes, de démence et de joies,

Trame serrée, immense, et dérisoire.

Et chaleureuse, oui, même en ses hivers, même en ses

déchirures.
Mais soudain l'ultime maille où se défait la chaîne !

Le monde, le monde et ce qui le résume :
Quelques noms, quelques yeux, la passion qui les lie.
Comme une goutte d'eau, comme une maigre larme
S'échappant de la main.

Ô toi qui te dresses, toi qui implores, toi qui tombes.
Je n'en finirai plus, je le sais, jusqu'à la fin.
Jusqu'à ma mort, de mourir avec toi.

Amis le soir au bord des villages.

Voix d'ombre dormeuse

Ou cascade solaire.

C'est toujours avec vous une longue jeunesse

Malgré les deuils, malgré la vie.

Au cœur de vos paroles

Le monde reste clairière,

Saison promise

Au fil du silence.

Mes amis de campagne.

C'est toujours juin pour notre souvenir,

Les chemins d'herbe et de jacinthes,

Les foins qu'on fane dans l'odeur de la joie,

La rue devient forêt, devient rivière,

Les hommes sur leur poussière

Sont dignes de l'amour,

Mes amis au soir de la longue journée.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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