Poèmes

Labyrinthes de Sagesse

par Jean de Bosschère

Tu ris parce que je suis ivre hier tu riais ainsi,

aujourd'hui, parce que j'émerge mal de la substance éternelle.

Tu hais le poète qui joue du tambour

avec le bout sourd de ses doigts ;

c'est son métier vieux et caduc comme
Dieu.

Puis, incompréhensiblement vide de logique,

tu méprises mon refus des politiques,

mes mornes blasphèmes aux écoliers vermiformes,

mes serments contre les mesures neigeuses,

les mères pleines d'œufs fécondés,

les férules poinçonnées aux
Facultés.

Louanges sur moi,

fleuve d'insignes laudatives ;

mieux que remonter la roche
Sisyphe,

j'ai donné des coups de barre pour revenir ici,

habiter avec eux, agiter des causes avec vous.

Quatre murailles de crétinisme me séparent des mondes,

ceux que mesurent les systèmes des philosophes.

Et enfin bref, il est connu que

j'ignore les mères et tous les prurits.

Et bref, l'on sait qu'il me manque vingt pour cent

de l'intelligence d'un général.

Dans mon ciel primitif où tout est angoisse,

une telle lumière brille

qu'elle n'est qu'un cristal sans formes,

torrent sans géographie, éruption d'océans d'eaux

où je ne suis pas coupable

de ne plus comprendre les ordres

ni les paroles, ni les gestes, ni les désirs.

Je vis gratuitement dans un paradis noir

sans signaux, sans murmures,

entouré des dites murailles d'acier

cataractes éternelles dans l'éclatement du tonnerre,

ange véritable sans ciel,

canaille illuminée,

chaste, brisé, idiot célestement pur,

étranger.

Vous, ô vous labyrinthes de sagesse,

qui savez les pernicieuses mathématiques,

donnez les lois perfides et les règles insanes,

possédez les mots et les signes qui expliquent.

Dites, ô vous, opiniâtres imbéciles, dites-moi

pourquoi cette jeune fille, droite comme une épine,

— elle a il me semble l'âge des écueils —

qui me déteste comme un poète crédule,

dans un soir grotesque où je mis la main désolée sur son épaule,

hurla un cri équivoque me serrant dans ses membres brûlants ;

pourquoi je suivis cette femme décharnée

jeune laide consternée, — un ruban de velours

attachait son cou pâle à ses épaules d'os bleu, —

et la haïssant pour le mode dont naissaient ses cheveux,

je lui fis don avec art d'un mauve bengali

au beau quai de la
Mégisserie ;

pourquoi, persévérant, j'ai caressé la tête blonde

d'un enfant visqueux qui vomissait du
Rostand ;

pourquoi, rien sinon mon couteau fut tenté

en contemplant l'exil de peau verte d'ombre

entre la chemise de nacre et le bas comme une dorade

de cette gigantesquement pauvre élégante ;

pourquoi, depuis vingt ans épave,

Notre-Dame de
Paris est un étau

qui me serre le cœur dans le temps,

me broie de douleur insondable ;

pourquoi ma pipe laconique qui s'éteint

me jette dans le désespoir de la mort ;

pourquoi le piano
Citroen sur la tour
Eiffel

me pousse avec les mains du suicide vers le fleuve ;

pourquoi la douleur siphon rigoureux

me vide comme un
Pétrouchka

mais qui ne ressuscitera plus.

Vous, sages qui connaisse/ les phénomènes ?



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top