Il faut écrire cela
avant chaque geste
devant que bondisse tout éclat,
ne décide rien,
Homme,
avant d'écrire cela avec tes ongles féroces
dans ta viande ténébreuse
ou dans la pierre que tu vois
chaque heure, fade masque de muraille,
façade morte du gratte-ciel
qui force un bouclier pour toujours
d'horreur pour toujours sur ta fenêtre.
Gagner l'heure d'écrire ces mots
à l'aube qui vrille un nouveau jour dans tes mains bleues,
avant d'extirper le mâchefer de ton poêle,
de tirer à la fourche le chou pour ta pitance,
de chasser dans la fosse les crottes du chien,
avant de, rêvant à la mort doucette,
acheter à travers les barres de la grille,
le camembert et le bicot au marchand briard,
de dire le salut de componction au garde,
d'humblement questionner
Bernard sur la lune,
les saints de glace et la lune à tignasse rousse.
Ecrire en gravant, avec les ongles et les dents que tes soixante années sont l'éternité où tu n'aimes rien qui ne fut ou ne sera
Tu peux haïr ton boulanger
mais il faut aimer le pauvre chien d'Alcibiade,
une dernière mère dans l'astre
Jupiter du ciel.
Si dans ta pensée et toutes tes voies
tu repousses un seul convive de l'éternité,
tu es de la tribu spéculative qui possède et consent,
— pas un refus, ni une violence de feu —
mais un homme qui vit d'une famille et d'une patrie.
Si dans tes non repas et tes nulles voluptés tu ne convies pas l'univers des hommes comment peux-tu y goûter sans honte des joies de tripes et d'autres viscères ?
Se fondre dans les temps
dissoudre son existence,
faire de son corps une parcelle de l'être
qui ne sera, ne naîtra que de la mort
du monde
aujourd'hui.
C'est ainsi que parlait une araignée,
toutes les pattes enfermant le zodiaque,
une araignée,
mieux que le principe des géométries.
Mais je sortis de ma toile
rentrai dans l'angle de laine.
Un prisonnier pleurait dans ma toile :
l'homme est si minuscule.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012