Poèmes

Dans le Déclin

par Jean de Bosschère

Dans le déclin de l'ivresse tes yeux s'ouvrent et tes regards sur ta main trébuchent, cadavre dans la mon pourrie des feuilles, couché sur le froid oubli des
étés.

Aux ondulements du chant qui s'éloigne, du rêve qui te renie en fuyant ta face éveillée tes doigts de bête hideuse te rencontrent, limaces pâles des funèbres
trahisons.

Ta main reprend ton âme atroce

et ton corps d'abominables perforations,

elle sait comment on égorge, tue

et, dans les drames des tendresses,

comment, bouffonnant, souvent elle empêche la bouche.

Que la parole n'ébruite pas la morne sorcellerie des pensées, la main tendue sur les lèvres, sûre du secret, et les yeux clos.

Mais le soir derrière les forts des barbelés la frise et la ronce des métaphores inextricables, dans les doux linceuls de la lampe circonscrite, l'étrangère ' remonte
sournoisement vers ton front,

toute confite dans la peur de ton verdict,

die caresse, rappelle ses dons secrets, ses tendresses,

ablutions, insinue que tu aies encore confiance et l'aimes, l'adoptes et la reprennes comme un monstre paria, exclu des parfums reçoit sur sa paille un lépreux avéré.

Dans le midi de la nuit, loyalement,

elle murmure de son inéluctable évidence.

«
Me voici, laide et nous sommes dans le même pacte.

Extrémité temporelle de ton bras droit,

celui du crime et des crimes que tu tais.

Chapelet d'ivoire vêtu de chair provisoire

et admire mes soins à ne pas pourrir

près de toi, et si tu oublies ou nies,

je te conduirai,

étendant celui-ci de tes doigts,

vers la porte maudite de
Rupel où il tomba,

le porche des
Carmélites où elle ensevelit ses jours.

Ne te fie pas à moi,

je suis laide et vindicative. »

Peu de temps après, elle se tut,

reprenant la route basse des jours.

Mais d'abord elle cria comme un geai :

« regarde ta main, regarde-toi, mal inhumé

« pauvre menteur à jamais redéfait. »

Et je vis sur l'ongle qui faisait une griffe d'onyx

un grain cassé de la drogue tombée de ma pipe,

un cent millième de la ration d'ineffable poison

rien de plus, sans ivresse, mortellement

longuement et mortellement rien de plus,

arrêté comme un pou près des rides,

vibrant dans le retour du sang

qui s'obstine et s'élance.

Sang canaille

immonde perfidie dans les donations des
Dieux

ennemi gorgé contre l'ineffable

chassant crapuleusement la mort,

brandissant l'instinct

des polypes bas, brûlants et fumants.

Il fallut enfin que je la reconnusse

et regardasse comment elle palpait ma poitrine.

Et quand ce fut tout plein et total,

décrite avec son passé dans toute mon âme

encore, à nouveau et pour toujours,

inéluctablement mienne,

ma main et non celle d'un autre,

l'esprit sombre ne put fuir la lumière affreuse.

C'est le jour qui éclatera,

l'esprit qui prépare sa débâcle,

tout s'arrête à l'ancre de la certitude.

Mais n'y appuyez pas votre front

la folie nous attend au pressoir,

dans sa tangibilité couve l'explosif,

la vérité rentre, carrée, comme un voyou,

semblable à toutes les vérités palpables.

La main ricane comme une personne savante,

le passé la flagorne, insidieux, indestructible,

et soulevant ce passé lourd de caillots,

elle massacre les sites à venir.

Il faut alors que l'homme flatte et compose,

prenne en soi l'infâme découverte,

agrée les limaces sur les feuilles mortes.

Un grand circuit de vertige

m'affole jusqu'aux abîmes des peurs,

de moi à mes mains

je conviendrai, oui, je conviendrai de la circulation.

Mais je supplie avec la vieille âme que j'avais

de détourner celui qui rencontra,

s'éveilla, sortit du vin,

devant la hideuse trouvaille,

et d'épargner ce retour

à celui qui s'était enfermé

dans le midi précaire de la nuit,

et qu'elle me laisse, dans ma barque parallèle,

repoussant la honte et les remords qu'elle me dit,

contourner, l'échiné tendue

des terres de vérités incommensurables et idiotes

des acquisitions définitives

de fous muets.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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