Une
Chèvre, un
Mouton, avec un
Cochon gras,
Montés sur même char, s'en alloient à la foire-Leur divertissement ne les y portoit pas;
On s'en alloit les vendre, à ce que dit l'histoire :
Le
Charton n'avoit pas dessein
De les mener voir
Tabarin.
Dom
Pourceau crioit en chemin
Comme s'il avoit eu cent bouchers à ses trousses :
C'étoit une clameur à rendre les gens sourds.
Les autres animaux, créatures plus douces,
Bonnes gens, s'étonnoient qu'il criât au secours :
Ils ne voyoient nul mal à craindre.
Le
Charton dit au
Porc : «
Qu'as-tu tant à te plaindre?
Tu nous étourdis tous : que ne te tiens-tu coi?
Ces deux personnes-ci, plus honnêtes que toi,
Devroient t'apprendre à vivre, ou du moins à te taire :
Regarde ce
Mouton; a-t-il dit un seul mot?
Il est sage. —
Il est un sot,
Repartit le
Cochon : s'il savoit son affaire,
Il crieroit comme moi, du haut de son gosier;
Et cette autre personne honnête
Crieroit tout du haut de sa tête.
Ils pensent qu'on les veut seulement décharger,
La
Chèvre de son lait, le
Mouton de sa laine :
Je ne sais pas s'ils ont raison;
Mais quant à moi, qui ne suis bon
Qu'à manger, ma mort est certaine.
Adieu mon toit et ma maison. »
Dom
Pourceau raisonnoit en subtil personnage :
Mais que lui servoit-il?
Quand le mal est certain
La plainte ni la peur ne changent le destin;
Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012