Poèmes

Le Combat des Rats et des Belettes

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

La nation des
Belettes,

Non plus que celle des
Chats,

Ne veut aucun bien aux
Rats;

Et sans les portes étrètes

De leurs habitations,

L'animal à longue échine

En feroit, je m'imagine,

De grandes destructions.

Or une certaine année

Qu'il en étoit à foison,

Leur roi, nommé
Ratapon,

Mit en campagne une armée.

Les
Belettes, de leur part.

Déployèrent l'étendard.

Si l'on croit la renommée,

La victoire balança :

Plus d'un guéret s'engraissa

Du sang de plus d'une bande.

Mais la perte la plus grande

Tomba presque en tous endroits

Sur le peuple souriquois.

Sa déroute fut entière,

Quoi que pût faire
Artarpax,

Psicarpax,
Méridarpax,

Qui, tout couverts de poussière,

Soutinrent assez longtemps

Les efforts des combattants.

Leur résistance fut vaine;

Il fallut céder au sort :

Chacun s'enfuit au plus fort.

Tant soldat que capitaine.
Les princes périrent tous.
La racaille, dans des trous
Trouvant sa retraite prête,
Se sauva sans grand travail;
Mais les seigneurs sur leur tête
Ayant chacun un plumail,
Des cornes ou des aigrettes,
Soit comme marques d'honneur,
Soit afin que les
Belettes
En conçussent plus de peur.
Cela causa leur malheur.
Trou, ni fente, ni crevasse
Ne fut large assez pour eux;
Au lieu que la populace
Entroit dans les moindres creux.
La principale jonchée
Fut donc des principaux
Rats.

Une tête empanachée
N'est pas petit embarras.
Le trop superbe équipage
Peut souvent en un passage
Causer du retardement.
Les petits, en toute affaire.
Esquivent fort aisément :
Les grands ne le peuvent faire.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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