Un
Souriceau tout jeune, et qui n'avoit rien vu,
Fut presque pris au dépourvu.
Voici comme il conta l'aventure à sa mère : «
J'avois franchi les monts qui bornent cet État,
Et trottois comme un jeune rat
Qui cherche à se donner carrière.
Lorsque deux animaux m'ont arrêté les yeux :
L'un doux, bénin, et gracieux.
Et l'autre turbulent et plein d'inquiétude;
Il a la voix perçante et rude.
Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s'élève en l'air
Comme pour prendre sa volée,
La queue en panache étalée. »
Or c'étoit un
Cochet dont notre
Souriceau
Fit à sa mère le tableau,
Comme d'un animal venu de l'Amérique. «
Il se battoit, dit-il, les flancs avec ses bras,
Faisant tel bruit et tel fracas,
Que moi, qui, grâce aux
Dieux, de courage me pique.
En ai pris la fuite de peur,
Le maudissant de très-bon cœur.
Sans lui j'aurois fait connoissance
Avec cet animal qui m'a semblé si doux :
Il est velouté comme nous,
Marqueté, longue queue, une humble contenance.
Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant.
Je le crois fort sympathisant
Avec
Messieurs les
Rats; car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Je l'allois aborder, quand d'un son plein d'éclat
L'autre m'a fait prendre la fuite. —
Mon fils, dit la
Souris, ce doucet est un
Chat,
Qui, sous son minois hypocrite,
Contre toute ta parenté
D'un malin vouloir est porté.
L'autre animal, tout au contraire,
Bien éloigné de nous mal faire.
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au
Chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.
Garde-toi, tant que tu vivras.
De juger des gens sur la mine. »
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012