Les
Grenouilles se lassant
De l'état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que
Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un
Roi tout pacifique :
Ce
Roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S'alla cacher sous les eaux.
Dans les joncs, dans les roseaux.
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu'elles croyoient être un géant nouveau.
Or c'étoit un
Soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s'aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant;
Une autre la suivit, une autre en fit autant :
Il en vint une fourmilière;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du
Roi.
Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue : «
Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le
Monarque des
Dieux leur envoie une
Grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir;
Et
Grenouilles de se plaindre,
Et
Jupin de leur dire : «
Eh quoi? votre désir
A ses lois ci oit-il nous astreindre?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement;
Mais ne l'ayant pas fait, il vous devoit suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux :
De celui-ci contentez-vous.
De peur d'en rencontrer un pire. »
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012