Poèmes

Les Frelons et les Mouches a Miel

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

A l'œuvre on connoît l'artisan.

Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent :
Des
Frelons les réclamèrent;
Des
Abeilles s'opposant,
Devant certaine
Guêpe on traduisit la cause.
Il étoit malaisé de décider la chose :
Les témoins déposoient qu'autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les abeilles,
Avoient longtemps paru.
Mais quoi? dans les
Frelons

Ces enseignes étoient pareilles.
La
Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière

Entendit une fourmilière.

Le point n'en put être cclairci.

«
De grâce, à quoi bon tout ceci?

Dit une
Abeille fort prudente.
Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,

Nous voici comme aux premiers jours.

Pendant cela le miel se gâte-Il est temps désormais que le juge se hâte :

N'a-t-il point assez léché l'ours?
Sans tant de contredits, et d'interlocutoires,

Et de fatras, et de grimoires.

Travaillons, les
Frelons et nous :

On verra qui sait faire, avec un suc si doux,

Des cellules si bien bâties. »

Le refus des
Frelons fit voir

Que cet art passoit leur savoir;
Et la
Guêpe adjugea le miel à leurs parties.

Plût à
Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès!
Que des
Turcs en cela l'on suivît la méthode!
Le simple sens commun nous tiendroit lieu de code

Il ne faudroit point tant de frais;

Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge.

On nous mine par des longueurs;
On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge,

Les écailles pour les plaideurs.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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