Poèmes

Le Chat et les Deux Moineaux

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Un
Chat, contemporain d'un fort jeune
Moineau,
Fut logé prés de lui dès l'âge du berceau :
La cage et le panier avoient mêmes pénates;
Le
Chat étoit souvent agacé par l'oiseau :
L'un s'escrimoit du bec, l'autre jouoit des pattes.
Ce dernier toutefois épargnoit son ami.
Ne le corrigeant qu'à demi.

Il se fût fait un grand scrupule

D'armer de pointes sa férule.

Le
Passereau, moins circonspec.

Lui donnoil force coups de bec.

En sage et discrète personne,

Maître
Chat excusoit ces jeux :
Entre amis, il ne faut jamais qu'on s'abandonne

Aux traits d'un courroux sérieux.
Comme ils se connoissoieni tous deux dès leur bas âge.
Une longue habitude en paix les maintenoit;
Jamais en vrai combat le jeu ne se tournoit :

Quand un
Moineau du voisinage
S'en vint les visiter, et se fit compagnon
Du pétulant
Pierrot et du sage
Raton;
Entre les deux oiseaux il arriva querelle;

Et
Raton de prendre parti : «
Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle.

D'insulter ainsi notre ami!
Le
Moineau du voisin viendra manger le nôtre!
Non, de par tous les chats! »
Entrant lors au combat.
Il croque l'étranger. «
Vraiment, dit maître
Chat,
Les moineaux ont un goût exquis et délicat! »
Cette réflexion fit aussi croquer l'autre.
Quelle morale puis-je inférer de ce fait?
Sans cela, toute fable est un œuvre imparfait.
J'en crois voir quelques traits; mais leur ombre m'abuse.
Prince, vous les aurez incontinent trouvés :
Ce sont des jeux pour vous, et rion point pour ma
Muse :
Elle et ses soeurs n'ont pas l'esprit que vous avez.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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