Poèmes

Le Chat et le Renard

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Le
Chat et le
Renard, comme beaux petits saints,

S'en alloient en pèlerinage.
C'étoient deux vrais tartufs, deux archipatelins,
Deux francs patte-pelus, qui, des frais du voyage.
Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage,

S'indemnisoient à qui mieux mieux.
Le chemin étant long, et panant ennuyeux,

Pour raccourcir ils disputèrent.

La dispute est d'un grand secours :

Sans elle on dormiroit toujours.

Nos pèlerins s'égosillèrent.
Ayant bien disputé, l'on parla du prochain.

Le
Renard au
Chat dit enfin :

«
Tu prétends être fort habile;
En sais-tu tant que moi?
J'ai cent ruses au sac. —
Non, dit l'autre : je n'ai qu'un tour dans mon bissac

Mais je soutiens qu'il en vaut mille. »
Eux de recommencer la dispute à l'envi.
Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi,

Une meute apaisa la noise.
Le
Chat dit au
Renard : «
Fouille en ton sac, ami;

Cherche en ta cervelle matoise
Un stratagème sûr : pour moi, voici le mien. »
A ces mots, sur un arbre il grimpa bel et bien.

L'autre fit cent tours inutiles,

Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut

Tous les confrères de
Brifaut.

Partout il tenta des asiles;

Et ce fut partout sans succès;
La fumée y pourvut, ainsi que les bassets.
Au sortir d'un terrier, deux chiens aux pieds agiles

L'étranglèrent du premier bond.

Le trop d'expédients peut gâter une affaire :
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top