pour
Lucien
Coutaud
Haute, elle parut au premier matin des herbes,
Sans voix, sans la conque d'une présence,
Nimbée des menaces marines de l'or
Volant en peuples d'oiseaux sous les herbes.
Car elle a pris le monde d'une source, ses lueurs
Où sont avoués les visages trop tôt venus —
Et le vent les clive jusqu'aux yeux futurs. —
Car, vierge, plus dévorée de soleil qu'un lac,
Annoncée du charroi vert des fontaines,
Murmurante du feu des fruits qui sourd en ses veines,
Elle est, nue, l'incendie panique d'une plaine.
Elle porte, blanche épine, le nom des solitudes
Comme une blessure à mille étoiles ouverte
En son front...
Et jaillissent des rêves tentés
Qui soufflent à demi aux falaises charnelles,
Hésitent, puis croulent aux creux blonds de son ombre,
Essaimant le prélude, glauque taillis du sang.
Le sort ni les contours de marbres éperdus,
Les fins trop aimées, dansantes de l'être,
Ni l'appel dont se froisse la sève à fleur d'air,
Ni la meute bleue somnolente du hasard
N'ont encor flagellé le jeu de leur rumeur.
Un sable s'épuise qui aimante le ciel
Et promet l'algue humaine, et lève d'un oubli
Pur, la mer aux torsades, aux temples de ferveur
Qui dresseront la voie et la houle des tombes.
Voile de cette mer où paissent les foudres,
De cette plage où tant d'amour est pollen des pierres.
Voile
Révolte sous le désir mûrie et ses arcs de vent.
Femme avant que songe l'aube honteuse des dieux,
Voilier avant-coureur des migrations,
Regard — et le nœud de serpents s'y recourbe
Où siffleront les rythmes acérés du destin, —
Tendre regard qui claque au seuil, oriflamme,
Vision de l'amazone luisant aux harpes d'autre vie,
Amazone, si dure victoire des proues
Que fonde l'empreinte brune duveteuse d'un regard
Elle naît.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017