La main ouverte, collée à la terre cuite, et devant elle j'ôte ce masque gris, l'antique emplâtre du mensonge.
Le grain de brique me râpe la paume ;
or, comme une fusée, monte le délire,
puis comme un cri de flûtes folles,
d'être moi, thermomètre de sang qui bout,
dressé sottement, le visage vers ces statues rouges.
Elles sont six branches droites d'un même tronc roux,
briques moulées en hommes secs, momies de pierre ;
six montent dans un cylindre d'air torride
et tels que des coraux fumant du fond des eaux.
Dans l'ultime tension de tous les nerfs,
les
Etrusques rouges, défendus par le feu,
s'arrêtent amèrement au pied des échelles.
Ils pensent avec fureur à des guerres,
à de fous duels avec des maudits rebelles,
à des victoires enfin, hors de leur piège humain,
eux qui avec fureur pensent à des escalades,
ces dieux de briques sur des montagnes de lave dure.
Cuits, ils sont sans miels ni sucs,
dans l'âpre sécheresse ils se dressent
avec le principe de la virilité,
comme des arbres de pierre dans une explosion
immobile et grondante ;
ils enfoncent leurs bras levés
dans le blé jaune, feuillage des étoiles.
Statues aujourd'hui arrêtées dans
Valle
Julia
d'où je vois
Saint-Pierre du seul
Dieu
Saint
Clément, stratification d'églises
et la corbeille qui est une chapelle
Paradiso
Leurs yeux de verre, en spirale de nacre,
du regard fixent sous la voûte un univers de murailles écarlates.
Leurs poètes sont des hommes d'ambre dur, leurs femmes des corbeilles de murmure bleu : ainsi l'épée d'angoisse sur le cœur, nous presse le lyrisme des terres rouges.
Dans le jardin de buis et de roses,
je vois le charretier de terre cuite,
une jambe prête, libérée de son poids.
L'obscurité est dans ses orbites,
et de la main dans le vide, accrochée à rien,
il cherche les rênes du cheval
ou l'échelle qui fuit.
Son char du souvenir passe
dans la cohue ordonnée des statues,
des dieux cinabres, des mendiants noirs,
des hommes maigres,
assis en amour sur les tombes comme des pétrins de
Dieu,
et des deux doigts ils expliquent.
Mais ce n'est pas de fleurs,
ils ne disent rien que d'architecture,
et même assis au sarcophage,
la volupté ne les mine point :
ils pensent avec fureur à escalader le piège humain.
Au faîte du mimosa qui gonfle la poitrine de poussière d'amour, le rossignol chante dans le jour isolé comme la nuit, et l'ardeur seule du charretier fuit.
Le chant de verveines enroule sur mes seins
des guirlandes de fleurs parfumées,
j'oublie le siècle pour me gorger d'illusions,
et de mes cheveux en joie s'élèvent des flèches d'ivresse,
je serre le point pour ne pas soupirer,
et retourne follement dans ma poche une clé confiée.
Je sors de la
Villa
Papa
Giulio et de son nimbe de parfums,
la main sur les lèvres et tout vire ;
entre mes doigts je regarde une branche de buis,
un brin de verveine mauve.
A travers les poignards d'or du
Soleil,
un cheval emporté fond sur moi,
se cabre comme un flambeau encore brûlant,
me serre du poitrail au mur.
Dans cette chaleur d'ami,
je retrouve la tige aiguë de son regard.
Prenant le geste du charretier de terre,
comme un aveugle je cherche les rênes,
du talon je harponne le collier d'os de l'échiné.
Et sur le cheval dur et chaud et nu,
à travers la laine je sens aux genoux mille aiguilles rousses.
Je fuis où il fuit, frénétique,
comme une comète rouge,
le rossignol dans les cheveux,
la flamme dans la crinière.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012