Dans le règne animal et tendre.
Dans le noir, dans la chair, dans la touffe,
Dans l'odeur, le chaud, la sueur.
Dans le fourré, le gîte, la terre meuble,
Dans la brassée ténébreuse, amoureuse,
Dans le déferlement de feu.
Dans l'oubli originel.
Dans le naufrage d'avant les mots.
Dans la jonchée des corps.
Dans la peau, dans la rumeur du sang,
Dans la peau et le sang du sommeil,
Dans la bouche du sommeil.
Dans la vague, l'écume, le creux, la houle.
Dans la mer caressée d'un sombre soleil,
Mer gloutonne, apaisante, apaisée,
Dans la matrice heureuse, triomphante,
Hors de la vie, hors de la mort.
La feuille étoile est ta fille ailée
Ô nuit de la muraille noire
Qui tombe au sable de ta voix
Soudain, seul amour qui ne soit
Troublé par les feux couchants du hasard.
L'œil au pistil ouvre sa toile
Verte où se perd le monde pervers,
L'œil clôt sa fête à l'envers
Sur mon double, reflet hagard
Qui s'enfonce, perd et se voile.
La feuille au ras de l'univers
A ployé mille plis de fraîcheur,
Plan fragile et bleu sur la blessure
Où point le gouffre ou le caillot.
Grand animal couché velu vert.
Torsion tragique des millénaires
Et maintenant cette douceur en majesté À l'heure des fermes, du crépuscule
Dans l'odeur d'herbe et de lait.
Au sein du langage peu mobile
Des vignes, des aulnes, des noyers,
De la route qui tourne et se nourrit
Paisible des villages, des feuillages,
Des chalets, de la lumière gris-bleu
Comme fait là-bas la falaise velue,
Torsade ensommeillée des millénaires.
Œil solaire, galets de nuit,
Volée de grains et d'ivraie.
Tout au long du chemin sous les ombres,
Tout au long du voyage, glisse
Sur les ocelles de l'astre léopard.
Le fauve dort depuis des millénaires.
De ce sommeil tu fus le rêve passager
Et ton passage allait de tache en pierre
Ainsi glissant sur les ocelles de l'astre
Endormi tout au long du temps
Dans le soleil, dans le galet, dans le grain,
Dans l'ivraie sous les ombres, dans la nuit.
Le silence ou le mot, l'attente ou l'oubli
Pur des bêtes et des arbres ?
Les neuves pareils à la forêt
Aux rivages de crime et d'élan pétrifié
Ou bien le seul fleuve diffus du sang
T'abreuvant d'une poussière d'éternité ?
Le vieux savoir, lézarde au long de la tour
Ténébreuse ou l'aigu défi du futur ?
Ecoute, oublie, guette en vain, demeure
Avec ce tremblement : la solitude foudroyée
De qui soudain pressent dans l'obscur.
Dans la
Hamme, dans la paix, l'absence ou la lettre,
Un vertige où s'annulent, égaux
Par la victoire et le désastre.
Le silence et le chant, la pierre et la fleur.
L'être et la mort.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012