Comme nous cheminions par ces rues
Que la bonne pluie a lavées, alors
Nous pouvions voir à la fenêtre
Qu'éclaire une lampe vétusté, des femmes solennelles
Se livrant en silence à des rites secrets.
Les rideaux sont ouverts sur une pièce large
Et des tableaux confusément parlent de soirs d'été
À la campagne, avec des velours rouges sur des chevaux
Dans un bois où s'enfuit, baignant dans le jour d'aube,
Le renard soucieux de l'ombre des fougères.
L'auteur
Écrit debout près d'un lutrin, cherchant entre les pages
Du livre son royaume; un prophète s'y lève et parle d'une rose
Qui frémit; le philosophe essaie l'orgueilleux rêve
D'un système qu'il veut nouveau.
Les vérités
Ont paru trop amères.
La nuit grandit
Qui noue les solitudes l'une à l'autre, au pied de la raison.
Tout doit changer dans la nue bleue où les arbres respirent.
Mais l'homme passe près du square et l'oiseau l'appelle
De son cri familier, dans l'arbre silencieux.
La folle
Quitte en soliloquant dans le soir mauve son logis,
Et les enfants qui reviennent la dévisagent.
J'ai vu le ciel splendide et doux, leur dit-elle; les pleurs
Coulent sur ses joues creuses.
Je me souviens
De voyages, la nuit, dans les pays brûlés
Et de mon fils qui cueille sur les champs de l'aurore des
immortelles.
Jonathan sort de la petite église avec sa canne à pommeau
d'or,
Ses trois manteaux, son panier en osier où dorment le chat
roux,
Les poèmes en cours et ses stylos; il chante faux et fort
Et converse le soir, du haut de son étage, après avoir franchi
La céleste ouverture du toit, avec d'autres poètes
Qui auront fui les voies lactées : d'ode limpide,
D'oies sauvages, convoquant
Keats,
Shelley, parfois même
Le bon vieux
Will d'autres encore qui se pressent
Sur les toits parmi les rameaux du jardin suspendu.
Même une jeune fille auprès du radiateur, rêve d'amour
En berçant doucement son torse maigre de ses bras;
Et tant de désespoir attriste la logeuse,
Qui boit son gin dans une tasse et pleure quelquefois.
Mais dans les écuries, vêtus de bleus, les mains enduites de
cambouis,
Les durs mécaniciens harnachent les chevaux; redressent
Les cimiers pourpres, car, à l'aube,
Hector s'élancera sous les murs blancs de
Troie
Où l'attend son rival.
Qu'importe désormais ton passé,
Ville envahie par les démolisseurs?
La frondaison
Des arbres roux que l'automne épure
S'agite mollement selon l'ardeur des vents.
Le balayeur, sur son chariot poussif, au petit jour,
Rapportera sur un lit de feuillage
Les armes de
Patrocle.
Chacun meurt à son tour,
La ville ne connaît que la gloire éphémère.
Nous ne reverrons plus ceux que nous aimions.
Les statues dans le parc attendent que la neige
Efface les empreintes, sur la boue fraîche, de nos
L'une après l'autre les lampes dans le square s'éteignent,
Le promeneur s'éloigne après avoir chanté
Dans
Londres le retour de
Virgile.
Où êtes-vous
Héros dans la ville assoupie?
Les fables oubliées
Se terrent dans les médiocres chambres sous les combles;
Nous ne parlerons plus d'Homère ni de
Virgile,
Nous les croisons parfois le long de la
Tamise.
J'ai vu sur la boue noire la tête d'Orphée,
Tandis que dans le ciel une lyre agonise.
L'étoile qui logeait au-dessus de
Queen's
Gâte a témoigné
Du chant que fait le cygne au moment de mourir :
Qui mourait quand le vent cessa de murmurer
La litanie des noms de ceux que l'on oublie?
Quel poète s'éloigne dans le ciel ténébreux,
Tandis que la cité s'éveille?
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012