Dans ce petit cimetière marin de l'archipel des Loyauté, quelques tombes ont la forme d'une coque renversée, quille en l'air tendue vers les palmes. Là reposent des
santaliers, au terme d'une existence aventureuse.
A bord de bricks et de goélettes vétustés, mal guidés par des cartes imprécises, ils bravaient les cyclones, les récifs coralliens, l'hostilité des
indigènes, pour venir chercher dans ces îles le précieux bois de santal qu'ils échangeraient contre le thé, en Chine.
Forbans sans doute, mais forbans courageux, ils prenaient tous les risques pour ces cargaisons odorantes. Parfois, c'était l'affrontement brutal avec les autochtones. Des crânes
éclataient sous les casse-tête. Vaincus par le nombre, ils fuyaient pour revenir en force, venger, puis enterrer leurs morts, ou plutôt ce qu'il en restait — la chair ayant
été mangée par les guerriers anthropophages.
Si aujourd'hui le bois est retombé en poussière, dans leurs canots naviguant à l'envers, les santaliers poursuivent une quête incertaine vers le cynique Eldorado de leur
âme peu ménagée.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012