Que de lieues depuis le départ
Dans la lumière qui tremblait.
De cités à l'énigme familière,
De corps, d'âmes et d'instants
Au long sillage brouillé, (Belle armée, fanfaronne débâcle).
Jusqu'où la route traversiere ?
La nuit plénière
Sous ses diamants efface
Les haltes du hasard,
Dissipe sous le souffle
Immense de sa houle
Les dunes et le havre
Où se lovent nos jours.
L'éternité, nos mains liées
L'élèvent entre elles.
De nos vœux l'éclair
Consume la première
Lueur de l'être
Et cueille l'ultime
Voix sonnant à l'abîme.
L'haleine océane dans le noir.
Pays de sel, pays de sable,
Barbare marée de l'origine,
Femme surgie aux glissades du phare,
Fuite blafarde sur les tables des grèves.
Le souffle ténébreux, le halètement fauve
Et toujours le ruissellement des galaxies.
Tu buvais la laiteuse nuit,
Espérais la brise natale,
Femme surgie, femme perdue,
Âme de l'île.
Tant de songe fin, de tendresse en la roche.
Tant de promesse au loin sur la cime et son nuage
D'une vie, d'une alliance à la lisière du matin,
Tant de jeunesse dans la destinée que dessine,
Muraille du royaume, la roche.
Épine, oriflamme rousse,
Langage minutieux de la pluie
Sur les taillis d'hiver,
Lierre et houx
(Hier et où ?),
Pays dans la distance.
Entre l'ombelle et le maïs,
Le noisetier et le hêtre.
Cette alliance fut conclue
Pour la plus fraîche odeur,
Pour la paix du regard
Qui feront verdir ce pré
Tout au creux de la mémoire.
Je suis celui qui pourrait être.
Tu n'es que songe du monde captif.
Il se fait tard mais le jour est sauvé.
Elle, ma voix, mon chant, ma liberté,
Nous errons sous la forêt solaire.
Vous y viendrez amoureux de notre ombre.
Ils savent, ils croient savoir, ils parlent
D'elles qui nous furent douces et ne sont que silence.
Moi qui tant vous ressemble,
Nous vie dans le vide.
Moi qu'amour et mort,
Espoir, absence déchirent,
Que voulez-vous que me donne un mot
Qui ne crie, ne songe ni ne chante,
Ne s'éteint au seuil du silence
Telle cette joie au bord des larmes
Qui me ressemble et vous ressemble,
Nous qui sommes trace éphémère
Dans la merveille et dans l'effroi.
Pauvre plagiat de dieu,
Pour qui ?
Pour ton ombre
Ou quelle autre image
Aussi fragile, aussi fugace
Que toi si tu sais avouer ?
Et pourtant sauvé.
Sauvé peut-être
Le temps que ta parole,
Que ton regard à jamais
Dérobe au monde un jour
Et le donne en partage.
Si tu es,
Toi l'innommé, l'absent
Qu'en ce monde nul ne sait
Sinon par songe de faiblesse ou d'orgueil,
Tu ne peux être que secret,
Tu ne serais que le secret.
Celui qui ravit, qui déchire,
Qui creuse une ombre en chaque chose
Ou dans le ciel interne.
Qu'ils se taisent
Ceux qui osent te proclamer !
Ils ne clament que désir
(Tremblement ou superbe)
Et te nommant t'annulent.
Toi, secret peut-être
Du secret que nous sommes.
Le visage de l'homme
(Le visage, le visage),
Regard, ardeur froide et noire.
De plus en plus proche,
De plus en plus présent
Et silence, vertige entre image et silence,
Angoisse du vain appel,
Rien que l'image, le défi.
Nul nom pour retrouver l'invisible quiétude.
Cœur solaire loin
Nous sommes, nous fûmes tes fils,
Et du cœur noir de la terre.
De la mère par toi fécondée.
Miracle des gouttes de rosée
Où se lit l'univers,
Joie et terreur
Dans l'œil minuscule
Né de lumière et de ténèbre.
Épris de sa clarté
Et promis à la nuit.
Bonjour adieu
Cœur solaire
Si près si loin
Dans le temps.
Vieil homme du futur,
Voix de la vie,
Bouche de lumière.
Sous l'étincelle campagnarde
De tes yeux, de tes mots
Te voici,
Père apaisé
Des caves et des granges
Anciennes,
Et fils
De l'usine univers.
Et parfois j'aurai cru
Qu'à travers ma voix.
Mon sang, mon regard,
Ce monde en sa vraie
Lumière se changeait.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012