Poèmes

Cantique de L'Accomplissement

par Jean Claude Renard

Quand les mains seront nues et seront assez pures et la bouche brûlée par des chants assez simples et les yeux rafraîchis de feuilles et d'enfances, quand les corps enterrés
sortiront de la nuit.

c'est que le désespoir, le dégoût et le froid qui se sont épaissis sur la honte des hommes, l'amère absurdité, l'indifférence affreuse où le
Christ et
Satan sont des légendes mortes,

le vide et la fureur des saisons de douleurs,

les villes éclatées, les créatures noires

qui n'ont plus de pitié pour ceux qui les ont faites,

qui nous ont torturés comme de grands cancers,

la haine ensorcelée et les derniers scandales que nous avons aimés comme la chair des femmes, en qui nous avons cru trouver la liberté, nous séparer d'un dieu trop pur et
trop pesant,

tout le déchirement des prairies et des rades, ô pays exploses, pays incendiés, pays poignants de morts, d'épouvantes, de veuves, pays pleins de sanglots et pleins de
possédés,

terrasses calcinées, rues remuées d'aveugles, chambres ensevelies pour les agonisants, les tristes, les muets, les malades, les fous que dessèchent l'angoisse et la soif cl la
faim,

arbres qu'on a lavés pour y crucifier avec la volupté d'égaliser les êtres.

d'innocenter le mal et d'inculper le bien pour oublier le cri des paradis perdus,

pour s'enfoncer vraimenl dans le désir terrestre, dans la gloire et l'orgueil d'être la solitude, d'être seul à tuer et seul à faire vivre, de n'avoir plus besoin d'un
silence troublant,

c'est que les passions, les cultes, les départs, l'amour et le péché qu'on a rendus pareils, dont on a mélangé l'essence et le mystère, neutralisé l'odeur des
voyages puissants,

l'esprit contre l'esprit, la chair contre la chair, l'éternité niée par des héros funèbres qui disent des bonheurs obscènes et faussés et tellement d'enfer et
tellement de sang,

ah ! les rites chargés de désastres sauvages, le désert apparu comme un ange nocturne, comme des glaciers roux en marche vers les îles, en marche vers les eaux qui s'ouvrent
sur la mort,

c'est que les envoûtés qui n'ont plus de ferveur et qui ont consommé la faute de l'absence, incarné le démon, assouvi le malheur sans sonder le secret des royaumes
anciens,

sans entendre
Jésus pleurer dans la lumière,
Jésus assassiné,
Jésus le mal-aimé tordu sur une croix qui nous pardonne encore, ah ! c'est que tout cela qui ressemble au déluge,

tous les pays cruels, les pays désolés rentreront dans le feu des puretés profondes, seront exorcisés par des magies nouvelles, par un roi lumineux descendu sur la
mer...



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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