Maintenant je veux m'embarquer
pour un de ces pays étranges
dont les animaux sont traqués...
Je veux que leurs plantes me vengent
des cultes qui m'ont envoûté
et que des races inconnues
me pénètrent de volupté
puisque tant de nuits sont perdues.
Il est, là-bas, des paradis
qui savent oublier les mortes...
Dis-moi le froid de ces pays
où mûrissent des fleurs si fortes
qu'on ne les touche qu'en dormant.
Je prononcerai des magies
qui remueront dans leurs ferments
mon cœur tendu de nostalgies.
Tous les rites sont des sommeils
qu'on prépare pour ces absences
où sanglotent de grands soleils...
Y trouverai-je mon enfance ?
Les départs sont ensorcelants
comme des femmes et des mages.
Tant de pays ont l'air brûlants
dans le crime amer des voyages :
chaque soif y peut s'inventer...
Quelle mer la plus ancienne
reviendra toujours me hanter ?
Même les péchés qui retiennent
ne guériront jamais ce mal
qui m'a pris des pays féroces
où commettre mon sang natal
et la cruauté d'autres noces...
J'aurais tant aimé le malheur
des pays qui n'ont pas de nom
qu'il me faut mentir les pardons
qui m'appelaient dans leurs rumeurs...
Il n'y a plus de sortilèges
assez purs pour nous délivrer :
les pays sont morts dans la neige,
les pays qu'on pouvait pleurer...
Où sont-elles ensevelies,
les îles des anciens rois,
devant quels
Christs en agonie
s'épaississent-elles de froid ?
Les enfants ont perdu leurs traces,
les enfants qui sentent le sang
ne reconnaissent plus ma race
dans la peur des soirs innocents.
Ces pays profonds sont des fautes
dont mon corps reste empoisonné.
Ô les pays frais que l'on m'ôte
m'avaient-ils tant abandonné ?
Il y vivait des couples calmes
que les étrangers ont noyés,
des arbres plus doux que des femmes
et des secrets qu'ils ont tués...
J'y savais des nuits si cruelles que leurs puretés m'écartèlent !
Tous les meurtres de leurs sorciers se sont changés en lunes noires qui descendent sur ces pays dont je n'use pas la mémoire tant ils sont chargés d'ennemis.
Quand ces pays de maléfices ne seront plus que glacials je n'y regretterai qu'un vice dont ma haine même aura mal...
Qui me rouvrira les prairies de ces pays très inconnus où mes bonheurs se sont perdus, où s'en va ma mélancolie ?...
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012