Poèmes

Cantique pour des Pays Perdus

par Jean Claude Renard

Maintenant je veux m'embarquer

pour un de ces pays étranges

dont les animaux sont traqués...

Je veux que leurs plantes me vengent

des cultes qui m'ont envoûté

et que des races inconnues

me pénètrent de volupté

puisque tant de nuits sont perdues.

Il est, là-bas, des paradis

qui savent oublier les mortes...

Dis-moi le froid de ces pays

où mûrissent des fleurs si fortes

qu'on ne les touche qu'en dormant.

Je prononcerai des magies

qui remueront dans leurs ferments

mon cœur tendu de nostalgies.

Tous les rites sont des sommeils

qu'on prépare pour ces absences

où sanglotent de grands soleils...

Y trouverai-je mon enfance ?

Les départs sont ensorcelants

comme des femmes et des mages.

Tant de pays ont l'air brûlants

dans le crime amer des voyages :

chaque soif y peut s'inventer...

Quelle mer la plus ancienne

reviendra toujours me hanter ?

Même les péchés qui retiennent

ne guériront jamais ce mal

qui m'a pris des pays féroces

où commettre mon sang natal

et la cruauté d'autres noces...

J'aurais tant aimé le malheur

des pays qui n'ont pas de nom

qu'il me faut mentir les pardons

qui m'appelaient dans leurs rumeurs...

Il n'y a plus de sortilèges

assez purs pour nous délivrer :

les pays sont morts dans la neige,

les pays qu'on pouvait pleurer...

Où sont-elles ensevelies,

les îles des anciens rois,

devant quels
Christs en agonie

s'épaississent-elles de froid ?

Les enfants ont perdu leurs traces,

les enfants qui sentent le sang

ne reconnaissent plus ma race

dans la peur des soirs innocents.

Ces pays profonds sont des fautes

dont mon corps reste empoisonné.

Ô les pays frais que l'on m'ôte

m'avaient-ils tant abandonné ?

Il y vivait des couples calmes

que les étrangers ont noyés,

des arbres plus doux que des femmes

et des secrets qu'ils ont tués...

J'y savais des nuits si cruelles que leurs puretés m'écartèlent !
Tous les meurtres de leurs sorciers se sont changés en lunes noires qui descendent sur ces pays dont je n'use pas la mémoire tant ils sont chargés d'ennemis.
Quand ces pays de maléfices ne seront plus que glacials je n'y regretterai qu'un vice dont ma haine même aura mal...
Qui me rouvrira les prairies de ces pays très inconnus où mes bonheurs se sont perdus, où s'en va ma mélancolie ?...



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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