Que n'ay-je mes esprits un peu plus endormis,
Mon cerveau plus pesant, et l'ame plus grossière,
Pour ne sentir si fort une douleur meurtrière,
Qui fait que sans repos languissant je gémis.
Mes sens sensibles trop ce sont mes ennemis,
Qui espoincts jusqu'au vif d'une douceur trop fiere
Ont perdu le repos, la liberté première,
Pour trop sentir le mal qu'en eux ils ont permis.
Si je n'eusse à clair veu ta grâce et ton mérite,
Mon mal seroit legier, et ma pêne petite :
Mais pour voir, pour cognoistre, et sentir jusqu'au fons
Ta grâce, ta valeur, ta rigueur ennemie,
Mes yeux, esprits, et sens, trop clairs, trop vifs, trop
[prompts,
Sont meurtriers, sont tyrans, sont bourreaux de ma vie.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012