Poèmes

Peu de Navigateurs

par Jean Claude Renard

Peu de navigateurs peuvent hisser aux mâts les pavillons violets qui naissent de leurs corps.
Les mâts coupés en deux et cuits par les climats sont à demi en mer et à demi aux ports!

L'arbre qu'attend la brise est embarqué par ruse pour nourrir de sa mort la marche du navire.
Mais son double sous terre entrouvre ses écluses et lui fournit encore un arbre qui respire.

O ponts plantés de fleurs, planches plantées de coqs, les pieds frais des marins courent moins vos forêts que leur corps magnétique amarré dans les focs ne cherche
à ressaisir ses voyages secrets !

Matelots qui mouvez vos cœurs et vos épaules dans l'iode, le tabac, ou la fable féroce, l'autre arbre, de vos corps, pilote vers les pôles une moitié qui rame, une
moitié qui drosse.

Vous nagez doucement après d'autres sommeils dont vous ont enchanté les terriers transparents,

ne sortant qu'à demi vos mains de leurs réveils pour caresser poissons, poulpes et cormorans.

Vaisseaux, quand vous croisez, beaux nègres sur la hune, vous portez les drapeaux du sang de l'équipage.
Le sang lâche parfois des oiseaux vers la lune et parfois sous les eaux sa douleur se propage.

Mon amour avec vous tend ses maillots brûlés entre les corridors de feuilles et de feu pour capturer en rêve au hasard des goulets un amour endormi dans les pays du dieu.

Laissez, têtes salées, sexes purs et sonores dans les haubans monter et mûrir vos verdures!
La lune vous console et la mer vous honore, oreilles éclatées, corps que l'Eau transfigure !

Vous souviendrez un jour d'où vous êtes partis en traversant l'odeur de vos bateaux rades, vous saurez ressouder comme branche à ses fruits vos os originels et vos os
évadés!

Ô linges imprimes par la sueur profonde composez-vous d'amour, de sang et de mémoire!
Ouvrez-vous sur la vague avec la nuit du monde pour que vergues blessées ne forment plus qu'un arbre !

Pavillons, pierres d'or, vous fumez d'une chair dont l'espoir fabuleux vous teint de ses couleurs et trempez dans la neige, et consumez dans l'air de grands soleils charmés par les
Ensorceleurs !

Voguez, voguez, rois blancs, dans les vermeilles moelles

où circule la vie qui pousse vers les criques.

Vos corps ressuscites se lèvent dans les voiles

et font couler sur vous leurs chaleurs magnifiques!



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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