Depuis qu'un rayon d'or poignardant l'ombre verte
M'offrit un clair réveil
Et que dans la rosée une tulipe ouverte
Tend son cœur au soleil,
Je veux, tel
Marsyas, le front ceint de lavande,
Offrir au divin
Pan
Le miel roux, la florale et votive guirlande,
Mon plus somptueux paon ;
Et dans le beau jardin qui tour à tour me donne
La figue et le raisin,
Je tresserai le pampre et la feuille en couronne
Au vif et bleu matin.
Après avoir tracé dans mes éphémérides
Le devoir journalier
Et dispersé le vol strident des cantharides
De mon seuil familier,
Je veux l'aigu roseau, la syrinx et la lyre
Des bergers d'autrefois
Pour te louer, moqueur
Sylvain qui fais sourire
Et rêver à la fois...
Peut-être, si j'avais une flûte à mes lèvres
Te laisserais-tu voir
Lorsque j'irai guider mes bondissantes chèvres
Au frigide abreuvoir ?
Et si malgré mes dons de câpres et d'olives
Tu restes dans les bois,
J'irai jusqu'aux forêts de ces nymphes furtives
Qui s'enfuient à ma voix ;
Et là, sous les pins, ô chèvre-pied rapide,
Dans les sombres halliers,
Je chercherai tes pas jusqu'au ruisseau limpide
Où boivent mes béliers.
Car, depuis que l'aurore a vêtu ma chaumière
De fraîcheur et de feu,
Mon cœur rustique bat avec la force altière
Et l'audace d'un dieu !
L'immobile matin est pâle et si sensible
Qu'en mon être païen
J'écoute murmurer la diaule invisible
D'un pâtre arcadien.
Les grives et les geais, les mille êtres agrestes
Des champs et du rucher,
Les frelons stridulants et les abeilles prestes
Dans les fleurs de pêcher,
De l'ensemble innombrable et doux de leurs chants frêles
Font un bruit endormeur,
Je crois que la grenade a de petites ailes À son âme de fleur !
La maison est trop fraîche et trop calme et trop blanche,
Trop de silence y dort ;
Allons sous l'abri tiède et fleuri d'une branche
Parler au soleil d'or...
Armé de népenthès, d'anis, du coriandre
Cher au papillon blanc, Ô violent jardin, guerrier cruel et tendre,
Que vous êtes troublant !
Bientôt vous aurez fait ma langueur inquiète,
Vous brûlerez mes sens,
Je serai seulement l'ardente cassolette
Où s'embrase l'encens...
Tout vibre autour de moi, le sol germe et remue
D'un lourd et chaud plaisir,
La terre matinale, bourdonnante, nue
Eclate de désir ;
Je vois trembler l'odeur adorable des roses
Dans l'éther alourdi,
Ah ! viens, je veux baiser tes mains aux paumes roses,
Eblouissant midi !
Soleil, sur votre autel je promets de répandre
Le sang d'un bouquetin,
Je vous couronnerai de myrte et d'oléandre,
Dieu du pourpre matin !
Ô
Phoibos
Apollon, ô
Faune capricorne,
Chères divinités,
J'ai gravé vos deux noms au bois dur de ma borne,
Et vous serez chantés
Dans le fougueux parfum du mauve héliotrope,
Sur mes doubles pipeaux, Ô frère de
Diane, et vous, fils de
Dryope,
Protecteurs des troupeaux !
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012