Mon cœur français et moi nous vîmes ce matin
Le paisible hameau parfumé de fougère
Où
Marie-Antoinette en paniers de satin
Rêva d'être bergère ;
Et j'ai dit à mon cœur : «
Le matin est si beau,
Si clair, si bleu ! pourquoi faut-il que tu tressailles
Ainsi que tu le fais devant un cher tombeau
En revoyant
Versailles ? »
Mais j'ai bientôt compris en regardant le lac,
La barque et son anneau rongé de mousse brune
Qu'on détachait, lorsque la tendre
Polignac
Ramait au clair de lune ;
Les pelouses, l'étang doré, les noirs taillis,
Le parc mélancolique où, jouant à la balle,
Le dauphin poursuivait dans les sentiers fleuris
Madame de
Lamballe ;
Les ronds-points de
Le
Nôtre et les ifs de
Watteau
Où se perdait la reine, amusée et frivole,
Sans voir son front lauré par un mouvant flambeau
D'une rouge auréole...
Ô cruelle douceur du petit
Trianon !
Royaume désolé, candide bergerie,
Avec quelle douleur redit-elle ton nom,
Blonde folle meurtrie.
Quand il fallut quitter pour la dernière fois
Tes chaumières de laque et tes marronniers roses,
Et le temple où l'Amour cachait dans son carquois
Des flèches sous des roses !
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012