Dire que ce n'est que très récemment
Que je me suis rendu compte
Que le mot littérature contient le mot
Rature
Comme il est vrai que nous voyons
Rarement
Ce qui nous crève les yeux
Qu'est-ce à dire
Cela signifie-t-il que le chemin qui mène à l'art est encore plus long
Que d'aucuns l'affirment
Que seuls en voient le bout ceux qui ne lésinent pas
Sur les ratures
Les apôtres de la biffure
Les massacreurs de premiers jets
Ainsi
Seuls les grands travailleurs de la plume
Peuvent se targuer d'être des poètes et des écrivains
Ceux dont les pages ne sont pas remplies
D'une multitude de mots
Couverts
De traits horizontaux plus ou moins longs
Ne peuvent que porter la traîne
Des bardes qui ont sué sous le harnais
Combien cette pensée m'est
Insupportable
Il n'est pas juste que les couronnes de laurier
Ne trônent que sur les têtes laborieuses
De ces orfèvres scrupuleux du mètre poétique
Et de la prose impeccable
Les poètes paresseux
Non ce n'est point un oxymore
Seraient bien avisés de former
Une ligue secrète
Qui aurait pour but de creuser
Un étang au pied d'une falaise
Et que l'on remplirait
Une fois cette tâche achevée
D'une eau mêlée des divers poisons
Qui parsèment les poèmes
Des six continents
Il suffirait ensuite d'inviter
L'un après l'autre
Nos illustres auteurs
À venir contempler le magnifique paysage
Que domine la falaise
Puis de les pousser dans le dos
Quand ils seraient en extase
Devant tant de beauté
Afin qu'ils tombent dans l'étang diabolique
Et connaissent ainsi une fin poétique
Mais nous ne sommes pas sans savoir
Que ce n'est que le jour où l'infâme mot
Littérature
Aura disparu des dictionnaires
Faute d'adeptes de la rature
Que nous pourrons dire que nos efforts
Ont été couronnés de succès