Le temps qui peut changer
Le nuage en nuage
Et le roc en rocaille,
Qui fait aussi languir
Un oiseau dans les sables
Et réduit au silence
De l'eau pure tombée
Dans l'oubli des crevasses,
Le temps existe,
A mi-chemin.
Dans l'arbre privé de fruits et de feuilles
Qui déjà se lasse
Des rameaux jouant pour ne pas trop voir
Le soleil couchant,
Une pomme est restée
Au milieu des branches
Et rouge à crier
Crie au bord du temps.
*
La porte en bois mouillé
Au fond du jardin
Qui n'ouvrait pas,
Elle en savait long
Sur les moisissures
Et le fer des gonds
Et nous a poussés
Dans les bras du temps.
*
Des rapports sont là,
Entre vent et temps.
Mais toujours de l'ordre de la mer,
Comme des écailles,
Et nous sommes exclus.
Il y a plus de temps
Dans un chaudron troué,
Gagné par les orties,
Ou touché du soleil
Dans la cuisine égale
Que sur la route
Et les cadastres.
Entre deux méfaits
Le temps vient toucher
L'ombre son épouse
Au plus creux des chambres
Et c'est elle qui sait
Comment vont les plaies.
Un autre temps parfois vient se donner en nous
Le volume ou le poids.
Et nous voici pareils
A la pomme acceptant
De s'enfoncer dans l'air, chargée du bleu des jours
Et de la peur qui fait les nuits,
Ou pareils à la mare
Dessous les nénuphars et les nuages
Quand l'eau se pèse au poids de son heureux silence.
On ne possède rien, jamais,
Qu'un peu de temps.
•
Notre désir était d'aller toujours plus vite
Et plus loin que le temps,
De plonger avant lui dans le plomb de la masse
Qui est ce qui n'est pas encore,
De saisir un objet
Que le temps n'aurait pas encore habitué
Et, couché contre lui près de la rive obscure,
De voir le temps peiner vers nous
A travers siècles et nuages.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012