Un
Renard, jeune encor, quoique des plus madrés,
Vit le premier
Cheval qu'il eût vu de sa vie.
Il dit à certain
Loup, franc novice : «
Accourez,
Un animal paît dans nos prés.
Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie.
—
Est-il plus fort que nous? dit le
Loup en riant.
Fais-moi son portrait, je te prie.
—
Si j'étois quelque peintre ou quelque étudiant,
Repartit le
Renard, j'avancerois la joie
Que vous aurez en le voyant.
Mais venez.
Que sait-on? peut-être est-ce une proie
Que la
Fortune nous envoie. »
Ils vont; et le
Cheval, qu'à l'herbe on avoit mis.
Assez peu curieux de semblables amis,
Fut presque sur le point d'enfiler la venelle. «
Seigneur, dit le
Renard, vos humbles serviteurs
Apprendraient volontiers comment on vous appelle. »
Le
Cheval, qui n'étoit dépourvu de cervelle,
Leur dit : «
Lisez mon nom, vous le pouvez.
Messieurs :
Mon cordonnier l'a mis autour de ma semelle. »
Le
Renard s'excusa sur son peu de savoir. «
Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire;
Ils sont pauvres et n'ont qu'un trou pour tout avoir;
Ceux du
Loup, gros
Messieurs, l'ont fait apprendre à
Le
Loup, par ce discours flatté, [lire. »
S'approcha.
Mais sa vanité
Lui coûta quatre dents : le
Cheval lui desserre
Un coup; et haut le pied.
Voilà mon
Loup par terre.
Mal en point, sanglant et gâté. «
Frère, dit le
Renard, ceci nous justifie
Ce que m'ont dit des gens d'esprit :
Cet animal vous a sur la mâchoire écrit
Que de tout inconnu le sage se méfie. »
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012