Ayant à juger du cas
D'un machiavel de bas étage —
Un renard qui avait emprunté le pelage
D'un lion,
A la faveur d'une révolution,
Et réussi à les tenir en vasselage —
Les animaux un jour ouvrirent les débats.
Ils s'étonnaient — s'accusant mutuellement
Avec, d'ailleurs, une mauvaise foi entière —
(Qui n'eût vu l'imposteur et sa ruse grossière
Enfin quoi,
Messieurs, c'était cousu de fil blanc!
D'avoir pu lui prêter serment.
Messieurs, dit un renard d'une meilleure race,
Un politique chevronné
Que cet usurpateur avait mis en disgrâce
A peine couronné
(Un tyran craint toujours l'intelligence
Et s'entoure de nullités),
Messieurs, ayez donc l'obligeance
De juger ce qui a été
Et non ce qui aurait dû être.
Maintenant qu'il a dépouillé sa peau
Chacun dit avoir deviné l'appeau,
Et oublie les drapeaux qu'il a mis aux fenêtres...
Mais quand il s'est dressé, sous sa fausse crinière,
Je n'ai vu qu'animaux empressés à lui plaire,
L'acclamant, espérant gratter au bonneteau,
Pour lui, pour son parti ou bien pour sa province,
Sa part, sa part sacrée de l'énorme gâteau
Échu au bon plaisir du prince.
C'est tous les comptes faits, que cela se gâta.
On s'aperçut un jour qu'on n'avait plus d'État.
Sous ce rassurant parapluie
Où le démonstrateur jouait sa comédie,
Il n'y avait que fourberie,
Cartes truquées et ruses de renard.
Vous dirais-je, pour vous consoler de vos misères,
Que chez le peuple le plus spirituel de la terre (Nous au moins, nous avions
Pour nous duper l'apparence d'un lion),
Il a suffi d'une abstraite figure oblongue,
D'un képi et d'un air cafard ?
Mais on ne peut tromper tout le temps tout le monde —
Pas plus chez nous que chez eux
On s'en aperçoit tôt ou tard.
On croit la ruse féconde;
L'honnêteté paie à la longue-Messieurs,
J'ai essayé les deux. »
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012