Des canards vexés, des oies satisfaites,
Au bord d'un étang, regardaient passer
Un oiseau royal dont la fière aigrette
Les faisait glousser.
«
Mais regardez donc, quelle outrecuidance,
S'en venir ici narguer le fermier!
—
Vraiment, vous trouvez, c'est de l'élégance ?
Si c'est ça le goût des grands couturiers!
—
Une robe grise, une robe blanche,
Voilà ce qu'il faut aux bêtes honnêtes !
—
Pour rien au monde je ne porterais d'aigrettes !
Gémit avec effroi
Une oie,
A qui jamais quelqu'un n'en aurait proposé.
—
Et c'est un mâle ! criaient les canards courroucés.
S'il devait travailler pour vivre, tout crotté,
Il aurait bien le temps de les lisser, ses plumes ! »
Un rayon de soleil, qui sortit de la brume,
Les fit taire un instant, inondant l'inconnu
D'or et de pourpre au milieu de l'étang.
Ils se reprirent vite et ils crièrent tant
Que l'homme, enfin prévenu,
Sortit fusil en main et, du seuil de la ferme,
Tira.
L'oiseau blessé gagna la terre ferme,
Se coucha et mourut sans un regard
A la basse-cour caquetante.
«
Un peu plus tôt, un peu plus tard,
Ça devait arriver ! dirent les oies contentes.
—
Il n'a que ce qu'il est venu chercher !
Que gagne-t-on à se faire remarquer ?
—
Nous n'avons pas, sur notre tête, une couronne,
Mais du moins nous vivons, et la vie est bien
bonne »,
Conclurent-ils tous, satisfaits.
Le fermier prit l'oiseau et pour sa fiancée
Avec ses plumes d'or fit un chapeau de fée.
Aux fiançailles, qui eurent lieu deux jours plus
[tard,
L'oiseau d'or fit rosir de joie la jeune fille
Qui se sentit belle et aimée...
Pour le reste de la famille
Et pour le gros des invités
—
Ne se nourrissant pas seulement de beauté —
Dans une bonne fricassée,
Chacun devant, un peu plus tôt, un peu plus tard,
Jouer son rôle,
Mesdames les oies et
Messieurs les canards
Passèrent à la casserole.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017