Je t'ai fondue au feu, cloche, je t'ai coulée
Dans la flamme, dans l'or splendide et bouillonnant,
Puis tes flancs ont durci dans l'ombre, et maintenant
Haute, tu bats le ciel de ta large volée.
Va, ne t'étonne pas si ta lente clameur
Tombe grave... jadis j'ai jeté dans ton moule
Les armes, les trésors, le bronze de la foule :
Ton alliage est lourd d'orgueil et de douleur.
Sonne, sonne, ma cloche, au champ bleu de l'espace,
Exalte éperdument la gloire du soleil,
Chante pour le ciel pur, pour l'orient vermeil,
Pour l'étoile qui naît, pour l'orage qui passe.
Puis sonne un grand appel, oh ! sonne sans merci,
Et que ta voix d'airain heurte à toutes les portes.
Entends... l'écho s'éveille au coeur des maisons mortes,
Les âmes en sommeil sont des cloches aussi.
Dis-leur : Ebranlez-vous, chantez, mes sœurs nouvelles,
Qui donc doutait de vous ? Voici que vos élans
Martellent sans relâche et reforgent vos flancs
De choc en choc, au feu vivant des étincelles.
Hier encor, vous n'auriez clamé que vos douleurs.
Il vous aurait fallu, seul, loin de la lumière,
Quelque clocher rêveur au bord d'un cimetière,
Où vous auriez versé vos chants comme des pleurs.
Et maintenant, vos voix bondissent vers l'aurore,
Trouant l'ombre, brisant les chaînes, les barreaux,
Pour sonner en plein ciel le réveil des héros !
Cloches, mes soeurs, chantez, chantez, chantez encore.
Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023