Poèmes

Le Loup Blanc

par Jean Anouilh

Jean Anouilh

Quand il eut mangé la grand-mère,

Le loup, vaguement écœuré,

Sombra dans des pensées amères.

Il eût voulu être curé ;

Se dévouer pour une cause;

S'occuper d'enfants,

Tous vêtus de blanc,

Couronnés de roses,

Qu'il emmènerait, dans des processions,

A travers les champs aux fleurs innocentes...

Il écoutait déjà la mélodie charmante

Des cantiques chantés par de jeunes voix aigres...

Cette pensée fit un peu diversion,

Lui rappela son goût de la jeunesse...

Et quand le
Petit
Chaperon rouge, avec ses tresses

Blondes et son air à croquer, parut,

Lunettes sur le nez, le regard à l'affût,

Dans le lit encore odorant

Où le désir qu'on croyait mort reprend,

Le loup, qui jouait mère-grand,

La jugea seulement un tout petit peu maigre

Pour son goût.

Ne comptez pas sur les bonnes pensées

Des loups repus qui rêvent de tendresse.

Pourquoi n'aimerait-on pas tout ?

C'est au sortir des lits de leurs maîtresses

Que les hommes lavés vont vers leurs fiancées...

On les traite de polissons,

Il faut les prendre tels qu'ils sont.

A chaque aube nous renaissons

Et dans le petit matin pâle

Au sortir des louches maisons

Le péché est une eau lustrale.

« Ça ne durera pas », disent les gens aigris...

Pour
Dieu, c'est toujours ça de pris.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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