(extraits)
Toute une vie le chemin
les pierres dans le soleil une roue exténuée
le moyeu creusé pour qu'elle tourne
éclaire, écrive
éclaire nos pas dans la nuit
par un harcèlement de mots du temps fracturé, du temps broyé, assouvi...
de retour du corps à corps
devenu le fil à fil
d'une inscription incestueuse
qui aurait trahi le masque, les sueurs, les cailloux.
l'eau morte des vies coulées dont on ne sort qu'en taillant à vif : la vigne vieille, le rosier neuf
le ruissellement de la pluie
Une tête prise au collet la mienne chaque nuit
harnachée, tuyautée, branchée sur une soufflerie d'air
commise à dépiauter, à ronger la sentence de mort
d'une obstruction qui bourgeonne — du chiendent qui prolifère
dans la hure du ronfleur
Dans les découpes gravées j'ai cru voir
la sœur de ma cage d'air
une cage ouverte
et fermée, dans laquelle
je dors —je dois dormir
un cachot intraduisible
que l'obscurité du vent rebrousse
assèche, et désertifie
ma discorde dort masquée la pointe suture, et
réconcilie
Tu serais avec moi sous le masque nous nous endormirions garrottés
corrodés par la sécheresse
momifiés dans la couleur
adossés à la toute-puissance du modèle absent
toi, moi, l'autre, le souffle qui se tresse
à l'insignifiance de l'air déchaîné
un vent machinique un vent sans bourrasques ni accalmie
pour abattre une floraison excessive, un barrage de mots dans la nuit
et dégager le passage d'un sommeil à vif
poussé au rouge
et la distorsion
des figures du sommeil
*
Se lever tôt, se coucher tard, restreindre l'espace de réparation
retrouver
le souffle des mots perdus hors de la cage d'air
comme un cheval qui se bat contre les taons, le hasard, contre les mouches
et le noir
avec tes contre-cages odorantes
avec les insectes doux
d'un visage de femme-enfant
qui se glissent, qui se jouent entre les branchies
et la soif
Je suis sans identité
comme, coupant, par les bois le pas d'un autre,
toujours un autre, à la fin, par les bois
l'étirement de la peur dans le poignet, les veines alanguies du bras
ma mort, sans l'avoir vécue, elle, sans voix, me tirant...
toute l'eau du ciel dans les feuilles de la forêt, dans la résonance des pierres
empêchée d'écrire — écrivant ce qui me tue
sans une goutte de sang *
Le poète — il n'existe pas —
est celui qui change
de sexe comme de chemise
une humide contre une sèche, une rose contre un caillou
et vice vers...
précipice un feu de branches déjà vertes...
quelles fleurs pourraient surgir rien ne presse
que le pas
l'ombre qu'il jette
Les mots me manquent pour jouir du chèvrefeuille, du jasmin
frappé par le vent violent le sol brille le jour bat je suis aveugle — et lié
à ta voix indestructible qui compte le vide des pas
sous les fibres de l'image le mot relance la mort
de la déesse calcaire...
le corps vient de rajeunir le souffle de s'éparpiller
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012