Poèmes

L'Ane et le Chien

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Il se faut entr'aider; c'est la loi de nature.

L'Ane un jour pourtant s'en moqua :

Et ne sais comme il y manqua;

Car il est bonne créature.
Il alloit par pays, accompagné du
Chien,

Gravement, sans songer à rien,

Tous deux suivis d'un commun maître.
Ce maître s'endormit : l'Ane se mit à paître :

Il étoit alors dans un pré

Dont l'herbe étoit fort à son gré.
Point de chardons pourtant; il s'en passa pour l'heure
Il ne faut pas toujours être si délicat;

Et faute de servir ce plat, '

Rarement un festin demeure.

Notre
Baudet s'en sut enfin
Passer pour cette fois.
Le
Chien, mourant de faim,
Lui dit : «
Cher compagnon, baisse-toi, je te prie :
Je prendrai mon dîné dans le panier au pain. »
Point de réponse, mot : le
Roussin d'Arcadie

Craignit qu'en perdant un moment

Il ne perdît un coup de dent.

Il fit longtemps la sourde oreille;
Enfin il répondit : «
Ami, je te conseille
D'attendre que ton maître ait fini son sommeil;
Car il te donnera, sans faute, à son réveil,

Ta portion accoutumée :

Il ne sauroit tarder beaucoup. »

Sur ces entrefaites, un
Loup
Sort du bois, et s'en vient : autre bête affamée.

L'Ane appelle aussitôt le
Chien à son secours.

Le
Chien ne bouge, et dit : «
Ami, je te conseille

De fuir, en attendant que ton maître s'éveille;

Il ne sauroit tarder : détale vite, et cours.

Que si ce
Loup t'atteint, casse-lui la mâchoire :

On t'a ferré de neuf; et, si tu me veux croire,

Tu l'étendras tout plat. »
Pendant ce beau discours,

Seigneur
Loup étrangla le
Baudet sans remède.

Je conclus qu'il faut qu'on s'entr'aide.



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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