I
Ainsi je vais attendre
Attendre le silence
et descendre les marches
Une à une les marches
une forêt de marches
un espace liquide
une douleur sans fin
Un visage entrevu
qui se défait
La main
se retire et le pas
s'agrandit
Nul sommeil
et jamais de malin
Le pas
Toujours le pas
et jamais le regard
Jamais la voix
II
Ni pleurer ni même secouer les épaules
Nous n'avons plus de fils
Et le couple des ombres s'en va dans la forêt
L'écho même est muet
On comptait les années et on criait
Merci
Merci bivouaquer dans cette solitude
Arbres mouillés et cris
Silence de musées
On emmêlait les fils
On cherchait la cabine dans le parc endormi
On ruminait les choses
On perdait notre laine
Il fallait avancer
De douleur l'aube même semblait nous allaiter
Il y a
dans chaque aube
une attente
Dans chaque attente
un deuil
Et la maison se dresse
toujours inhabitée
Une maison tournée
du côté du passé
sans volets sans jardin
sans fumée
La maison
de l'attente l'hiver
sur les chemins gelés
Maison des feux éteints
Du temps paralysé
Je ne peux plus parler
que par cette ombre extrême
par ce roc désolé
par un silence amer
par l'automne adoré
par l'adieu éperdu
aux branches du passé
ô visages tendus
au-dessus des labours
vers la neige
Déjà
je ne suis plus un homme
J'ai perdu toute force
Je me tiens dans l'espace
transparent où l'hiver
a fïgé les villages
que nul n'habite plus
Voici la terre acquise des grandes profondeurs
Voici le pain du soir
J'aurai seul traversé la zone calcinée et quitté la maison
J'aurai seul en marchant effrayé les oiseaux salué le soleil en lui tournant le dos
Ne dites rien
Tout mot est une balle
J'erre entre les mots
Je vis dans un long crépuscule où se croisent les voix où les regards s'oublient où se perdent les pas
Toujours l'arbre du cœur dans la nuit repoussait
La tache d'or strié
Toi qui étais partout
Toi l'arc des jours tendus
Toi l'étoile polaire
Où en est maintenant ta vendange ô lumière ?
Où sont les jeux d'enfants les lilas les moulins ?
Le lait qui descendait sur le petit matin des condamnés à mort
Les souvenirs éteints
Brûlure au sang léger
Brûlure où je revis
Transparentes années
Tout brille tout me fuit
Tout renaît en fumée
Et je te suis
Soleil sur les mouvants chemins qui vont dans la forêt
Bien en dessous du cours général des pensées
Dans les profonds marais
Dans la salle interdite
Parmi les jeux secrets
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012