Poèmes

La Foret des Parents Désunis

par Georges Haldas

I

Ainsi je vais attendre

Attendre le silence

et descendre les marches

Une à une les marches

une forêt de marches

un espace liquide

une douleur sans fin

Un visage entrevu

qui se défait
La main

se retire et le pas

s'agrandit
Nul sommeil

et jamais de malin

Le pas
Toujours le pas

et jamais le regard

Jamais la voix

II

Ni pleurer ni même secouer les épaules
Nous n'avons plus de fils
Et le couple des ombres s'en va dans la forêt
L'écho même est muet

On comptait les années et on criait
Merci
Merci bivouaquer dans cette solitude
Arbres mouillés et cris
Silence de musées
On emmêlait les fils
On cherchait la cabine dans le parc endormi
On ruminait les choses
On perdait notre laine
Il fallait avancer
De douleur l'aube même semblait nous allaiter

Il y a

dans chaque aube

une attente

Dans chaque attente

un deuil

Et la maison se dresse

toujours inhabitée

Une maison tournée

du côté du passé

sans volets sans jardin

sans fumée
La maison

de l'attente l'hiver

sur les chemins gelés

Maison des feux éteints

Du temps paralysé

Je ne peux plus parler

que par cette ombre extrême

par ce roc désolé

par un silence amer

par l'automne adoré

par l'adieu éperdu

aux branches du passé

ô visages tendus

au-dessus des labours

vers la neige
Déjà

je ne suis plus un homme

J'ai perdu toute force

Je me tiens dans l'espace

transparent où l'hiver

a fïgé les villages

que nul n'habite plus

Voici la terre acquise des grandes profondeurs
Voici le pain du soir
J'aurai seul traversé la zone calcinée et quitté la maison
J'aurai seul en marchant effrayé les oiseaux salué le soleil en lui tournant le dos
Ne dites rien
Tout mot est une balle
J'erre entre les mots
Je vis dans un long crépuscule où se croisent les voix où les regards s'oublient où se perdent les pas

Toujours l'arbre du cœur dans la nuit repoussait
La tache d'or strié
Toi qui étais partout
Toi l'arc des jours tendus
Toi l'étoile polaire
Où en est maintenant ta vendange ô lumière ?
Où sont les jeux d'enfants les lilas les moulins ?
Le lait qui descendait sur le petit matin des condamnés à mort
Les souvenirs éteints

Brûlure au sang léger
Brûlure où je revis
Transparentes années
Tout brille tout me fuit
Tout renaît en fumée
Et je te suis
Soleil sur les mouvants chemins qui vont dans la forêt
Bien en dessous du cours général des pensées
Dans les profonds marais
Dans la salle interdite
Parmi les jeux secrets



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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