Je lègue à mes enfants cette aube sans couleur le pain triste les rues où je fus dédoublé
Je lègue les fontaines qui m'ont parlé la nuit les wagons solitaires et les ormes coupés
Tous les recoins obscurs et les hangars déserts
Et mal interprétés les rêves d'un bonheur toujours décomposé
Je lègue avec les rails la rouille des années les trains sans voyageurs la gare abandonnée
Je lègue après la joie cette ville changée
Comme est changé celui qui croyait tout aimer
A mes enfants je lègue mon infidélité
Je mourrai divisé mécontent
Sans espoir
Je lègue à mes enfants un immense devoir :
Reprendre pied
Revivre
Achever chaque soir la tâche du matin
Donner enfin aux autres une eau plus douce à boire
Je lègue à mes enfants un sinistre miroir qu'en souvenir de moi ils voudront bien briser
Afin que les morceaux reforment cette étoile qu'en naissant j'ai trahie
Et que ma mort doit rendre à son éclat premier
Je lègue à mes enfants un impérieux devoir :
Ne pas désespérer
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012