Comme un grand arbre d'eau qui travaille le monde
Pour que le corps du monde assume sa croissance
Et tire du levain de ce qui l'ensemence
Le pouvoir de porter la mesure du monde,
Un fleuve plus foncier et plus fort que le sang
Fume dans le limon et fait de ses courants
Qui ont salé la mer et verdi les forêts,
L'argile qui s'invente autour de ses racines
Se nourrir du soleil des profondes résines
Où l'amour a lie le sens et le secret
Et pénétré la nuit d'une unique lumière.
Les peuples anciens y viendront chercher l'or.
Ils viendront du désert, en traversant la mort,
Irriguer leurs pays, — pour que lève la terre
Un homme en mouvement, un homme confronté
Qui prend déjà son souffle et son commencement
De sa pesanteur même, et sent ici monter
L'eau d'une avidité faite d'un tel ferment
Qu'en dépassant déjà le désir qu'elle incante
Elle profile en lui la figure sacrée
Du mystère vivant qui l'ayant engendrée
Pourra seul en combler l'espérance vivante.
Car jusqu'en cette mort et cette solitude
Où sans
Dieu tout demeure au-dehors de l'été
Un espace attentif se tient encor creusé
Pour que puisse y jaillir le lait de plénitude
Et renaître du sang qui purifie ses veines
Un corps prêt à porter, avec la jeune
Lune
Où fut planté le cep de la vigne commune,
Les raisins de l'Esprit et l'odeur de sa laine.
(Extrait)
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012