Alors vieux camarade
Le vent du nord rigolait dur à la forêt.
Les saisons somnolaient dans la grange
Où parfois le chien hiver aboyait.
Nous respirions sans toi le passé qui mijote
Autour des lits campagnards et de la table.
L'air, le pain de l'amitié on croirait les partager
Avec ce soupir du noroît et le quignon mâchonné devant le poêle.
C'est comme si le vif de nos jours
Bien calés au creux, au chaud du temps.
Demeurait là, plus fort que toi,
Vieux camarade, plus fort que nous.
à
Albert
Jouanneau
Es-tu trace au vent qui l'use
Vieil homme clair, familier du silence ?
Toujours, pour toi, depuis l'âge fabuleux de l'école,
Crisse le matin noir avec sa froidure d'étoiles
Et cette joie, ah ! la sacrée bourrade •
Comme un chien fou qui nous saute à la gorge,
Mais pour le jeu, pour l'amitié sauvage. «
Ou bien c'est le temps de l'églantine
Et je marche avec les arbres de la forêt » —
N'est-ce pas l'acacia qui chante
Ou l'oiseau qui embaume ? —
La forêt, c'était aux jours de l'enfance,
Mais le souvenir sème des halliers
Autour du maigre bois.
Et la nuit ?
Avant d'aller dormir avec les bêtes
Le guet, la solitude au creux de l'ombre, À perte de vue, de souffle, l'avalanche
Immobile des champs et du ciel
(Ténèbres de terre, ténèbres de sillons, ténèbres d'hectares bleus,
Ténèbres d'horizon, tonnes d'air).
Et tu souris, la vie a goût de noisette et de vin,
Ton cœur, tes mains menés par un savoir obscur,
Tu spuris.
Qu'importe la cendre prochaine,
Tu brûles, tu brilles, humble feu
Victorieux dans le vent.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012