J'aime à peupler ma solitude
De conversations imaginaires
Que je tiens avec une femme
Que j'aime et qui m'aime
Et qui n'existe pas
Elle répond à mes questions
Anodines ou profondes
Avec gaieté ou sérieux
Et toujours mon esprit
Rend grâce au ciel
D'avoir suscité un être
Dont les mots sont des baumes
Des étincelles de sagesse
Et de spontanéité
Quand je me perds en conjectures
Quand je suis attristé par une lecture
Ses paroles réconfortantes
Viennent caresser mes oreilles
Et me remettent d'aplomb
Combien je suis chanceux
D'avoir pour compagne
Une femme qui jamais ne me blesse
Ni ne me contredit pour le seul plaisir
De me contredire
Elle me tire vers le haut
Jamais vers le bas
Elle me hisse jusqu'à elle
Jusqu'à la corniche depuis laquelle
Exposée à tous les vents
Elle contemple les Idées
Qui lui inspirent ses propos spirituels
Son apparence revêt les traits
Changeants et harmonieux
Qui ravirent les bardes d'antan
Ses vêtements sont semblables
À ceux dont rêva Rossetti
Mais qu'il n'eut jamais l'heur
De peindre
Elle m'apparaît rarement
Car elle sait que la voir
Me troublerait
Pourrait m'incliner vers la pente
De la mélancolie
Ainsi va ma vie
Et comme elle m'a promis
Que jamais elle ne me priverait
Du doux son de sa voix
Ma seule crainte
Est qu'elle ne puisse avec moi
Pénétrer dans l'au-delà