Ma mère m’apprit à être bienséante,
une femme qui tait ce qu’en elle
ne fut pas tissé au métier de sa grand-mère,
de son arrière grand-mère, de son arrière arrière grand-mère.
Je cuisine les mêmes plats que je sers
avec des sourires fêlés, pliés indistinctement,
au coin de la bouche,
appareillés à la blancheur ombrageuse de la nappe,
comme toutes mes dignes aïeules.
Parfois je m’entends soupirer: C’est la vie!
Ma grand-mère m’apprit comment une femme sage
est ensorceleuse de serpents,
puisqu’en mariage, il est des femmes
qui “ les réchauffent dans leur sein”.
Tandis que le meilleur des hommes n'était rien d'autre
qu' un membre d'honneur du club des chiens blancs.
Sa mère l' avait, apparemment, préparée pour une vie au zoo.
Ainsi dormait-elle un couteau au chevet
( quand les animaux se sentent attaqués perdent toute raison.)
et m'en a mis un, tiré, dans les broderies de la dot.
-Tu vois, le jongler devient vite une habitude.
Ces bonnes femmes m'apprirent à enlever
du rouge à lèvre des chemises.
Et de rapiécer mon ciel
de crainte que les étreintes éludées ne s' en échappent.
- Et pour les cicatrices sous la peau, quel onguent?
Des regards ébahis.
Comment ose-t-on se guérir de son destin...
-C'est un monde d'hommes, chuchottent les convenances.
Que ma grand-mère, sa mère et la mienne me pardonnent!
Après tout , je suis une femme.
Les femmes de ma famille
par Mirela Papuçiu