Poèmes

Les Deux Coqs

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Deux
Coqs vivoient en paix : une
Poule survint.

Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis
Troie; et c'est de toi que vint

Cette querelle envenimée
Où du sang des
Dieux même on vit le
Xanthe teint!
Longtemps entre nos
Coqs le combat se maintint.

Le bruit s'en répandit par tout le voisinage :
La gent qui porte crête au spectacle accourut;

Plus d'une
Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur.
Le vaincu disparut :
Il alla se cacher au fond de sa retraite,

Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite,
Possédoit à ses yeux.
Il voyoit tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage;
Il aiguisoit son bec, battoit l'air et ses flancs,

Et, s'exerçant contre les vents,

S'armoit d'une jalouse rage.
Il n'en eut pas besoin.
Son vainqueur sur les toits
S'alla percher, et chanter sa victoire.

Un
Vautour entendit sa voix :

Adieu les amours et la gloire;
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du
Vautour.

Enfin, par un fatal retour,

Son rival autour de la
Poule

S'en revint faire le coquet :

Je laisse à penser quel caquet.

Car il eut des femmes en foule.
La
Fortune se plaît à faire de ces coups :
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du
Sort, et prenons garde à nous

Après le gain d'une bataille.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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