Sous une lune
Aux reflets mouvants
Un rayon noir et blanc
Éclaire inversement
L’écume aux lèvres
D’un Pierrot pantelant
Anonyme compagnon d’infortune
D’une troupe dépenaillée
Plongé bien malgré elle
Dans le premier acte
D’une comédie humaine
Intitulée : « der des ders »
Sous cette lune
Aux reflets cassants
Le même rayon noir et blanc
Entame une poursuite haletante
Des gibiers de potence et autres chevillards
Déserteurs à toutes heures
Qui après chaque bataille
Dépouillent, dépècent, dépiautent
Autant les corps sans vie
Que ceux à l’agonie
De leurs amis
Comme de leurs ennemis
Cette nuit pourtant
À la faveur d’une éclaircie
C’est eux que l’artillerie
Équarrira, éradiquera
Comme tous ces rats
Vecteurs de cholera
Rien ne sera épargné
Ni les tranchées
Ni les barbelés
Encore moins les clochers
Déjà éventrés
C’est aussi cela l’honneur
De mourir au champ d’horreur
Sous la lune
Aux reflets d’argent
Le rayon noir et blanc
S’en revient maintenant
Sur le pauvre Pierrot agonisant
Sur cette terre noire et hostile
Pantin privé de ses fils
Il fait tache blanche
Misérable guano sans écho
Ayant atteint son niveau zéro
La lune est visionnaire
Mais tributaire
D’une chandelle morte
Soupire-t-il
Pâle et sans accent circonflexe
La lune est visionnaire
Mais peu guerrière
Parvient-il encore à déglutir
Ma chandelle est morte
Et je n’avais
Ni civière
Ni gibecière
Pour battre
À plat de couture
Ce disgracieux briquet
Aux ourlets
En point d’exclamation
Pourquoi fallut-il
Que le détachement
Du Lieutenant Fournier
S’en soit pris à des blessés
C’était là grand péché
Quasi un crime contre l’humanité
L’œuvre d’un dépravé
Pour ma part oubliée
Pardonnée
Manque de visibilité
Furent les derniers mots
Prononcé par Pierrot
Sous cette lune
Au sourire cruel
Qu’elle afficherait dorénavant
À chaque croisement
Avec le rayon noir et blanc
Nous rappelant
Que l’on peut mourir dignement
Après avec vécu indignement
Et inversement.